En 1989, la loi Jospin recommandait déjà de placer « l’élève au centre du système éducatif ». Cette directive avait alors provoqué une levée de boucliers d’un grand nombre d’enseignants et de décideurs. Depuis, l’idée portée de longue date par les pédagogues de l’éducation nouvelle, a progressivement fait son chemin. En 2013, la loi Peillon prônait une « école de la bienveillance », tandis que ces cinq dernières années, le ministère de Jean-Michel Blanquer a recommandé, via des directives ministérielles et des sites dédiés, une école de la confiance, de la bientraitance, du plaisir d’apprendre…
Une révolution copernicienne serait-elle en train de voir le jour dans l’école française ? Pour répondre à cette question, il faut revenir aux fondations de l’école de Jules Ferry à la fin du 19e siècle, présentée pendant des décennies comme le « fleuron » de la République française. Les objectifs des pères fondateurs étaient bien différents de ceux des décideurs actuels : il s’agissait d’arracher les enfants aux influences régionales et familiales pour en faire de bons citoyens d’une jeune République encore fragile. Pour cela, on décida de promouvoir un enseignement fondé sur la raison et sur l’autorité des maîtres, détenteurs des savoirs académiques. Une discipline rigide était de rigueur, qui n’excluait pas, jusqu’à la seconde moitié du 20e siècle, les brimades les plus sévères, châtiments corporels ou humiliants, outils d’une « pédagogie noire » où les affects étaient tenus à distance. Même si les temps ont changé, l’école française a continué de fonctionner selon un principe méritocratique éloigné de toute considération humaniste.