La conscience. Le retour de l'oubliée

La conscience, longtemps oubliée par les psychologues, redevient une de leurs préoccupations. Mais qu'entendent-ils exactement par là ?

En 1994, Jacques Paillard compare le retour de la conscience dans les préoccupations des psychologues au Retour de Martin Guerre. Ce soldat rescapé des campagnes napoléoniennes revient dans son village après une longue absence. Or, ce n'est pas le vrai Martin, mais un de ses compagnons d'armes qui a pris sa place. Face à la conscience, « comme dans le village de Martin, la suspicion reste de rigueur dans la communauté scientifique... »1. Peut-être à cause de la difficulté à définir de quoi on parle.

Les chercheurs donnent de la conscience des définitions très différentes. J. Paillard note : « Tous les débats sont obscurcis par l'usage polysémique du terme. » La conscience recouvre des réalités différentes dans les divers discours qui cherchent à en définir les contours, « discours qui, trop souvent, se réfèrent à des niveaux d'analyse différents ». Résultat : « On reste étourdi par la cacophonie des opinions divergentes. » Certains assimilent la conscience à toute forme de pensée, d'autres à l'identité personnelle, d'autres encore à la subjectivité (le fait de ressentir la fatigue, le chaud, l'excitation...). Pour s'y retrouver dans le dédale des définitions possibles, partons d'une expérience subjective et communément partagée : la première heure de la journée.

Phase 1 : le stade du réveil matin

Bip, bip, bip... le réveil sonne ; j'ouvre les yeux. Machinalement, mon bras se dirige vers le réveil pour stopper au plus vite la sonnerie. Après quelques bâillements et étirements, je saute du lit et me dirige mécaniquement vers la salle de bains.

En quelques instants, je suis passé d'un état mental à un autre. De l'état de sommeil à celui de veille. A ce stade, on peut exécuter, plus ou moins machinalement, une série d'opérations finalisées (arrêter le réveil, se lever, aller à la salle de bains). On est aussi capable de ressentir une expérience subjective (je me suis levé du pied gauche!). On est présent au monde, en état de veille, ni endormi, ni dans le coma. Le passage du sommeil à la veille comprend différents niveaux, que l'on peut distinguer selon leur état de passivité ou d'activité. Dans la modalité passive, on trouve la vigilance diffuse, sorte de rêverie éveillée, durant laquelle on a le sentiment d'une présence flottante au monde extérieur. Lorsqu'on passe à une modalité plus active, on atteint un autre niveau, désigné par les psychologues sous le nom de « conscience-attention » ou « d'état d'alerte généralisée » (awareness en anglais). Nous pouvons alors réagir à une sollicitation nouvelle. Mais à ce stade de conscience, notre attention n'est pas concentrée vers une action précise, une pensée particulière, ou un problème à résoudre. Elle reste diffuse et générale. Ainsi, je suis « conscient » de la présence de la porte de la salle de bains en face de moi, puisque je l'ouvre avant d'entrer. Mais je ne suis pas en train d'y « réfléchir ».