La dépression est le trouble mental le plus commun dans la population générale. Elle est caractérisée par une tristesse, une perte d’intérêt ou de plaisir, un sentiment de culpabilité ou une faible estime de soi, des problèmes de sommeil ou d’appétit, une fatigue chronique et des difficultés de concentration. Un trouble qui a tendance à se chroniciser et à impacter de façon considérable la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Selon des données de l’organisme Santé publique France, un Français sur dix serait touché par la maladie.
Un diagnostic à géométrie variable
De nombreux facteurs peuvent toutefois intervenir dans la prévalence d’une maladie mentale : des changements de critères dans les pratiques psychiatriques (qui s’orientent davantage vers la prévention et les soins de première ligne), le développement d’une industrie pharmaceutique et son positionnement stratégique auprès des médecins de famille, mais aussi l’accès à une vaste gamme d’informations sur la santé mentale, facilité par l’accès à Internet. Les chercheurs observent bel et bien une prévalence plus élevée entre 2004 et 2014 et y voient une preuve que l’accès aux informations en ligne a changé la donne au niveau des chiffres : plus il est facile de se renseigner sur une maladie, plus elle semble diagnostiquée 1.
D’après le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), qui fait office de référence en santé mentale, une dépression majeure suppose la présence des symptômes pendant au moins deux semaines, entraîne une souffrance importante et ne doit pas être liée à la consommation de substances ou à une condition médicale autre. Mais, au-delà de ce diagnostic, s’élaborent de nombreuses ramifications qui font de la « dépression » une association de conditions parfois fort différentes. Ainsi, nous pouvons naturellement nous sentir triste, un peu seul, mal dans notre peau, sans valeur… sans pour autant être dépressif. Mais où est la limite ? Celle-ci n’existe en fait qu’à travers des référentiels qui sont en perpétuelle mouvance. Pour illustrer ceci, on peut s’attarder sur le cas de la « dépression sous-clinique », expression désignant une personne qui peut présenter des symptômes dépressifs sans pour autant rencontrer les critères de la dépression définis par le DSM. Comme ces symptômes la mettent en difficulté, et sont donc « dignes d’attention clinique », cette personne est « en dépression sous-clinique ». Sans parler de la dysthymie, une forme atténuée caractérisée par des épisodes de dépression moins sévères, mais chroniques. Des subtilités lexicales qui ne sont donc pas anodines, puisqu’elles influencent les recensements.