Les sociologues de la famille seraient-il pris de remords ? C'est ce que laissent à penser un certain nombre d'articles et recherches publiés récemment. Différents spécialistes du domaine font le constat qu'on s'est efforcé ces dernières années de mettre en évidence, voire parfois d'exalter, les nouvelles formes de la famille contemporaine : familles recomposées et nouveaux rapports de parenté, bouleversements des rapports hommes-femmes au sein du couple, individualisation et autonomie grandissantes au sein des ménages...
Toutes ces évolutions ne sont, évidemment, pas contestables. Néanmoins, n'aurait-on pas eu tendance, en cherchant ce qui change, à oublier les permanences de l'institution familiale ? Cyprien Avenel souligne ainsi que « le changement est celui du passage d'une famille surtout définie par la transmission du patrimoine économique et culturel à une famille essentiellement définie par son contenu relationnel », famille qui « doit garantir à chacun, beaucoup plus que par le passé, une fonction de soutien identitaire et de satisfactions collectives » 1. Mais malgré ces transformations indéniables, les fonctions classiques de la famille se maintiennent : l'endogamie persiste, la reproduction sociale est toujours forte, et les rôles conjugaux toujours nettement asymétriques. Dès lors, « le thème du nouveau (« nouveau père », « nouveau couple », « nouvelle famille », etc.) exalté par certains magazines ne saurait dissimuler que, à certains égards, plus ça change, plus c'est pareil ». D'autant qu'on finit souvent par oublier que les nouvelles formes familiales sont encore nettement minoritaires. Comme le rappelle Jean-Hugues Déchaux, « plus de huit enfants mineurs sur dix résident avec leurs père et mère ; ceux qui sont séparés de l'un d'eux suite à un divorce ou une séparation ne sont que 13 % : les recompositions familiales concernent moins de 5 % des enfants mineurs, cette proportion étant stable depuis quinze ans » 2.