La gestion des compétences. Un outil stratégique

Dans les choix stratégiques des entreprises, les ressources humaines passent souvent au second plan derrière les enjeux commerciaux ou financiers. Depuis peu, certains spécialistes proposent d'intégrer les compétences des hommes comme un enjeu stratégique.

Les auteurs d'ouvrages de gestion des ressources humaines insistent souvent sur la nécessaire prise en compte de leur discipline dans les stratégies d'entreprise. Mais dans le quotidien de l'entreprise, ressources humaines et stratégies restent déconnectées. L'analyse stratégique est bien souvent en amont du processus décisionnel. Les stratèges, les dirigeants, font avant tout des choix d'innovation, d'implantation de nouvelles unités de production et de rachat d'entreprise. C'est dans un deuxième temps qu'ils tiennent compte de la dimension des ressources humaines. La gestion des ressources humaines (GRH) intervient alors en aval, pour réguler les dysfonctionnements, pour ajuster le niveau global de qualification par le recrutement et/ou la formation, et pour définir un système de rémunération qui incitera les salariés à atteindre les objectifs fixés par la stratégie.

Les analyses en termes de « compétences », qui apparaissent à la fin des années 80, vont contribuer à inverser cette problématique. Prahalad et Hammel, à partir de la notion de « core competencies », ont renouvelé l'analyse stratégique en affirmant que le développement de l'entreprise n'est pas déterminé par les opportunités offertes par l'environnement concurrentiel, mais par la qualité des compétences détenues par l'entreprise.

En GRH, la notion de compétence a traditionnellement été subordonnée à celle de poste dans le processus de sélection et de rémunération. Puis, avec la gestion prévisionnelle de l'emploi, elle a contribué à la réduction des sureffectifs dus aux évolutions technologiques, aux mutations industrielles et à l'accroissement de la concurrence internationale. Son principe étant de rechercher les proximités de compétences afin de faciliter la mobilité professionnelle et le reclassement.

Depuis quelques années, la GRH vise à identifier les salariés détenteurs des compétences stratégiques de l'entreprise pour optimiser leur management. A travers cette gestion des ressources humaines, la nécessaire convergence de la stratégie d'entreprise et de la GRH est alors effective.

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Une recherche que nous avons menée auprès d'une quarantaine d'entreprises montre que cette articulation entre la GRH et la stratégie reste l'apanage de quelques entreprises, peu nombreuses. Mais le fait que ces dernières soient connues et performantes (Air Liquide, IBM, Danone, Schneider) tend à montrer que cette convergence peut être un facteur de compétitivité des entreprises, tout en fondant un nouveau compromis salarial réconciliant efficience économique et légitimité sociale des pratiques de GRH.

Des organisations qualifiantes

La GRH s'est intéressée à la gestion des compétences pour prendre en compte la dimension humaine des mutations industrielles et technologiques dans des secteurs tels que la sidérurgie, la banque, le textile, la métallurgie et les chantiers navals. Dans la sidérurgie, par exemple, l'accord « A cap 2000 » illustre la mise en oeuvre d'une gestion des compétences pour accompagner des mutations industrielles. Les évolutions technologiques de ce secteur d'activité ont rendu obsolètes les compétences acquises par les salariés. Cela a conduit les entreprises sidérurgiques à définir avec les syndicats un accord visant à inciter les salariés à acquérir de nouvelles compétences et à rémunérer cette acquisition sans qu'il y ait nécessairement changement de poste. Pour ce faire, les entreprises ont défini des profils de compétences comme savoir-faire opérationnels validés, c'est-à-dire les connaissances et expériences d'un salarié applicables dans une organisation adaptée, confirmées par le niveau de formation et ensuite par la maîtrise des fonctions exercées. Ces profils de compétences permettent d'organiser les plans de formation pour reconvertir les ouvriers afin qu'ils soient employables au sein d'organisations utilisant de nouvelles technologies de production.