La guerre des générations n'aura pas lieu. Entretien avec Christian Baudelot

Sciences Humaines : Le niveau scolaire des jeunes est de plus en plus élevé. Et cependant, ils ont de grandes difficultés à s'insérer dans le monde du travail. A propos des diplômes, vous dites « il en faut plus pour avoir moins ». Pouvez-vous en donner un exemple ?

Christian Baudelot :Les tâches se sont enrichies et on en demande de plus en plus. Par exemple, on voit dans les fast-foods des «bac+5» se disputer les emplois avec des sans- diplôme. Nous avons observé dans notre enquête que les jeunes de milieux populaires aspirent souvent à des métiers de représentation, de relation, de contact avec le public comme vendeurs dans les grands magasins ou dans les fast-foods. 

Or, ces métiers impliquent la mise en oeuvre de savoirs compliqués et très peu formalisés. Le travail prescrit n'est pas clairement défini, comme il pouvait l'être par exemple pour les ouvriers postés.

Dans les fast-foods, il faut avoir une vision d'ensemble de l'activité, savoir à quel moment il faut aller chercher les hamburgers ou les boissons ; avoir le sens des relations avec le public, être aimable et souriant, parler une ou plusieurs langues étrangères. Autant d'aptitudes pour lesquelles les jeunes qui ont prolongé leurs études ont plus de dispositions : l'école transmet de façon osmotique - sans les enseigner - tout un ensemble de savoirs que l'ont peut appeler des savoirs sociaux. C'est pourquoi les managers ont compris que leur intérêt est d'embaucher le plus haut possible pour obtenir un travail de qualité qu'ils ne sont pas obligés de payer ni de reconnaître.