La littérature, un laboratoire de l'existence

À travers ses intrigues et personnages, la littérature jeunesse propose bien davantage qu’un divertissement : un laboratoire où jouer et rejouer les scénarios possibles de l’existence.

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Grâce à l’art, nous arrivons parfois à entrouvrir une porte dérobée donnant sur la part la plus obscure de notre être, aussi noire que le fond d’un cachot. Et une fois cette porte grande ouverte, les recoins de notre âme sont si bien éclairés par la lumière qu’elle laisse passer, qu’aucun mensonge sur nous-même ne trouve plus moindre parcelle d’ombre où se réfugier, comme lorsque brille un soleil d’Afrique à son zénith. » Cette phrase, tirée du roman de David Diop La Porte du voyage sans retour 1, saisit avec force le voyage intérieur que représente la lecture pour celui qui s’immerge dans un livre, et ce dès le plus jeune âge. Les enfants et adolescents – tout comme les adultes – ont besoin de littérature certes pour se divertir, mais aussi (et surtout) pour trouver des réponses aux grandes questions existentielles constitutives de la condition humaine.

Nous avons d’abord besoin de récits pour nous divertir, oublier le réel. Les enfants, comme les adultes, ont besoin d’avoir accès à des fictions qui amusent, distraient ou informent de façon explicite sur les modalités pratiques de la vie en société.

Tchoupi vs Yakouba

C’est ce qui fait le succès pérenne de Tchoupi, Martine ou Petit ours brun. De la même façon que nous (les adultes) choisissions de lire un livre (ou de regarder un film ou une série) dont nous savons pertinemment qu’il ne nous fera pas réfléchir, mais au contraire nous « videra la tête », les enfants ont eux aussi besoin de ces ouvrages de divertissement.

Mais la fiction a aussi une autre fonction plus profonde et tout aussi universelle : nous nous plongeons dans la littérature non pas seulement pour oublier le réel, mais au contraire pour y trouver des réponses à des questions centrales de l’existence. Les récits (mythes, légendes, contes, romans, poésie) sont des lieux où l’on peut se poser pour penser sereinement la condition humaine et y trouver du sens. La littérature se présente ainsi comme un immense laboratoire où les humains peuvent redessiner à l’infini les situations, les dilemmes, les problèmes qui les travaillent. « Les expériences de pensée que nous conduisons dans le grand laboratoire de l’imaginaire sont aussi des explorations menées dans le royaume du bien et du mal », écrit ainsi Paul Ricœur 2.