Les connaissances acquises en neurosciences remettent en question la façon dont nous voyons notre cerveau. Elles peuvent nous offrir une nouvelle compréhension du fonctionnement de notre pensée, et de ce qui la construit et la rend possible. La neuroéthique a pour objet l’évaluation des répercussions sociétales des avancées des neurosciences, et la manière de les traiter pour améliorer notre capacité de vivre ensemble, dans le respect de l’autonomie de chacun.
Nous sommes à l’aube de disposer de connaissances et de techniques nous permettant d’observer, et peut-être dans certains cas de prédire, des comportements d’une personne. Une telle connaissance de la physiologie du cerveau remet en question des conceptions fondamentales de la personne humaine, comme la notion d’intention ou de volonté personnelle. Non seulement ceci peut modifier l’approche légale de la responsabilité individuelle à la suite de tel ou tel acte, mais cela va remettre en cause la « normalité » ou « l’anormalité » de certains comportements.
Il est dès lors essentiel que nous nous interrogions sur les conséquences sociales de telles connaissances. Sans complaisance pour un passé idéalisé où notre ignorance nous permettait d’éluder des questions essentielles. Sans naïveté non plus face à une tendance insidieuse où l’affirmation d’un continuum entre l’état normal et l’état pathologique sert de justification à la promotion mercantile de nombreux « médicaments de confort », voire au développement d’une véritable industrie cosmétique du cerveau.
Les neurosciences, science du XXIe siècle
Mais commençons par rappeler les immenses besoins en matière de santé : les maladies psychiatriques et les maladies neurologiques représentent un tiers des dépenses de santé.
Dans le domaine de la psychiatrie, ce sont des maladies liées au développement, comme l’autisme ou la schizophrénie. Plus tard au cours de la vie, ce seront des troubles psychologiques liés au stress, qui peuvent conduire à la dépression ou à d’autres maladies graves psychiatriques.
Dans le domaine de la neurologie, pensez à toutes les maladies neurodégénératives associées au vieillissement de la population, comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. Les accidents vasculaires cérébraux, qui constituent la deuxième cause de mortalité, sont des accidents qui frappent le système nerveux. Chez les jeunes, la sclérose en plaques est la première cause d’invalidité. Des maladies du système nerveux sont parmi les plus fréquentes, comme les maux de tête, ou encore l’épilepsie qui atteint plus de 500 000 personnes en France. Le système nerveux est aussi une source majeure de problèmes de santé qui restent largement à résoudre.
La recherche en neurosciences est donc la science du XXIe siècle, l’une des plus nécessaires et des plus enthousiasmantes. En retour, ayant comme objet d’étude cet organe qui permet notre relation au monde, tout autant notre perception du monde extérieur et notre capacité d’agir sur cet environnement, les connaissances acquises en neurosciences peuvent bouleverser notre conception de l’individu en mettant en évidence les mécanismes neurophysiologiques par lesquels l’homme est un agent moral, une créature plus ou moins rationnelle, qui adopte ou non un comportement éthique.
De telles informations peuvent nous conduire à mieux nous connaître et, dans le meilleur des cas, améliorer nos comportements individuels et sociaux. Ces informations nouvelles peuvent conduire à de meilleurs programmes d’éducation des enfants, favoriser la communication. Inversement, elles peuvent conduire à des tentatives de contrôle du comportement des individus ou de certains groupes, par exemple pour inciter à certaines consommations par une publicité plus efficace, ou stigmatiser et exclure certains « déviants » considérés comme « prédestinés » et « incurables ».