La psychanalyse en société

La psychanalyse, sous sa forme élitiste de la cure-type ou sous la forme de psychothérapie d’orientation psychanalytique, s’est rapidement imposée comme pratique de référence, s’implantant dans la psychiatrie américaine dès les années 1920, et à partir des années 1950 dans la psychiatrie française. Les raisons de cette implantation tiennent d’abord à la psychanalyse elle-même en tant que traitement des pathologies mentales. En articulant de façon cohérente l’étiologie des névroses, la description de leurs mécanismes psychiques et leur traitement par la parole, elle a su fournir un lien argumenté entre diagnostic et traitement. Pendant très longtemps, son efficacité a fait consensus. Dès les débuts de son développement, ou presque, la psychanalyse est conçue comme un traitement sous contrôle psychiatrique : contre l’opinion de Sigmund Freud favorable à la pratique « laïque », elle est ainsi devenue un monopole médical. Celui-ci lui a donné une assise professionnelle des plus prestigieuses. Encore aujourd’hui où la pratique de la psychanalyse s’est ouverte aux non médecins, notamment aux psychologues, les sociétés de psychanalyse, soucieuses de leur statut social, veillent à ce que ceux-ci ne deviennent pas trop nombreux par rapport aux médecins.

Une influence culturelle

La proximité entre la psychanalyse et le monde intellectuel et artistique s’est d’emblée établie – Freud eut notamment pour ami ou correspondant Stefan Zweig, André Breton, Romain Rolland –, et n’a cessé, dans les décennies suivantes, de se développer. Des créations artistiques se sont plus ou moins directement inspirées des idées ou procédés freudiens : le meilleur exemple en reste sans doute le surréalisme. La psychanalyse a aussi fécondé nombre d’entreprises proprement intellectuelles en philosophie, sciences sociales, critique littéraire ou cinématographique. Tandis que des écrivains, et surtout des philosophes, sont devenus psychanalystes, la pratique de l’écriture est fort prisée dans les milieux psychanalytiques, et nombre de psychanalystes se faisant aussi écrivains sont devenus des figures du monde intellectuel. La psychanalyse fut pendant des décennies la théorie de l’humain structurant les représentations collectives de l’enfant et de son développement, des relations familiales, des problèmes personnels, des mouvements des sentiments intimes : c’est sous cette forme de culture psychologique commune que son importance sociale fut et reste la plus grande.