La psychiatrie au début du XXe siècle. Classer la folie

Les premières décennies du xxe siècle représentent une période de transition pour le savoir psychiatrique. Les approches se diversifient, avec l’affirmation de la psychologie scientifique et de la psychanalyse. Dans le même temps, la langue prédominante du cerveau et de la psyché devient l’allemand.

Au début du XXe siècle, les modèles héréditaires les plus spéculatifs des conduites humaines sont devenus de plus en plus contestés. C’est le cas de la doctrine de la dégénérescence mentale, pourtant très en vogue dans le dernier quart du xixe siècle et défendue par Valentin Magnan (1835-1916) en France ou par Enrico Morselli en Italie (1852-1929). L’atavisme criminel de Cesare Lombroso (1835-1909) connaît le même destin. Toutefois, la conviction d’un déterminisme de type biologique expliquant le développement des troubles mentaux continue d’avoir de nombreux partisans. C’est ainsi qu’Ernest Dupré (1862-1921), détenteur de la chaire de pathologie mentale à la faculté de médecine de Paris, associe son nom à la notion de pervers instinctif. Les traits de caractères dominants de l’individu demeurent étroitement déterminés par sa constitution de départ. En dépit du développement du champ des névroses aussi bien dans l’œuvre de Pierre Janet (1859-1947) que dans celle de Sigmund Freud, la psychiatrie demeure attachée à un modèle médical qui privilégie une origine organique des troubles de la personnalité.

La classification des maladies mentales, qui était au xixe siècle une grande affaire française, est désormais dominée par la nosographie d’Emil Kraepelin (1856-1926). Son travail de standardisation de tableaux cliniques souvent disparates est amplement salué, car il amorce la possibilité d’un langage véritablement commun du savoir psychiatrique. Sa codification repose sur l’articulation entre diagnostic et pronostic, permettant d’envisager l’évolution de la maladie. Les principales entités définies par E. Kraepelin sont la psychose maniaco-dépressive et la démence précoce, dont il affirme le caractère profondément chronique. Le psychiatre Eugen Bleuler (1857-1939) suggère une interprétation moins systématique de celle d’E. Kraepelin, celui-ci étant critiqué en France tout particulièrement.

• Emil Kraepelin, 1901, rééd. Navarin, 1984.• Eugen Bleuler, 1911, rééd. Epel, 1993.• Karl Jaspers, 1913, rééd. Bibliothèque des introuvables, 2000.• PErnest Dupré, Payot, 1925.• Eugène Minkowski, 1927, rééd. Payot, 2002.• Jacques Postel, Larousse, 1994