La réputation, une clé pour comprendre le harcèlement Entretien avec Margot Déage

Qu’est-ce qui incite les jeunes à en malmener d’autres ?, s’est demandé Margot Déage. Pour répondre à cette question, cette sociologue s’est livrée à une vaste et passionnante enquête ethnographique. Durant deux ans elle a fréquenté chaque jours quatre collèges d’Île-de-France au public socialement diversifié. Aux élèves, qui avaient fini par la surnommer « la dame des interviews », elle proposait en outre de s’abonner aux comptes de réseaux sociaux spécialement créés pour sa recherche, sur Instagram et Snapchat, afin d’appréhender leur univers numérique.

À cela se sont ajoutés questionnaires et entretiens avec les professionnels des établissements et ceux de l’enfance, ainsi qu’avec des professionnels du numérique (tel le PDG de Snapchat), tout en analysant les enquêtes nationales de victimisation pour confronter ses résultats.

« Le harcèlement est souvent défini de manière psychosociale, comme une agression, une intention de nuire. Pour ma part, j’ai voulu comprendre quels étaient les facteurs sociaux qui pouvaient pousser les jeunes à en agresser d’autres », explique-t-elle, ajoutant que harcèlement à l’école et cyberharcèlement sont trop souvent étudiés séparément sans se soucier des effets de l’un sur l’autre.

Comment se produit l’engrenage entre harcèlement au collège et harcèlement en ligne ?

En fait, la frontière est poreuse entre présentiel et numérique. Les adolescents sont aujourd’hui presque tous équipés de téléphones via lesquels ils échangent avec les autres élèves. Si cela se passe mal dans leur classe, cela se diffuse en ligne et réciproquement ; si une photo compromettante circule sur les réseaux, elle peut engendrer du harcèlement en présentiel.