La rhétorique est partout : dans la vie politique et judiciaire, où on s’oppose et s’impose par les mots ; chez les coachs en prise de parole, qui s’appuient, explicitement ou non, sur elle ; ou encore dans les manuels d’art oratoire, nombreux sur le marché, qui rencontrent un vif succès auprès du public. Cette popularité montre qu’il existe dans la société une appétence pour la parole, une envie tant de s’exercer à parler que d’apprendre à décrypter celles des autres. Car ce sont là les deux faces de la rhétorique. Elle offre l’équipement intellectuel qui permet à la fois de maîtriser ses propres prises de parole (face créative/productive) et d’analyser les discours des autres (face analytique/critique).
Pour comprendre la centralité de la rhétorique dans la société contemporaine, il faut revenir à l’Antiquité gréco-romaine, où elle a été théorisée et largement pratiquée. Les principes posés par les Grecs et les Romains depuis 2 500 ans sont encore mis en pratique par les plus grands orateurs.
De quoi parle-t-on ?
La rhétorique (en grec « rhétorikè tekhnè ») est une technique, c’est-à-dire un art comportant une théorie et une pratique, les deux étant indissociables. Les premiers grands promoteurs en sont les sophistes (5e siècle av. J.C.), comme Protagoras ou Gorgias par exemple, qui la définissent comme l’art (ou le pouvoir) de persuader. Un siècle plus tard, Aristote (4e siècle av. J.C.) la théorise pour la première fois de manière systématique dans Rhétorique ; il explique qu’elle est plus fondamentalement la capacité à déterminer ce qui, dans n’importe quelle situation, va pouvoir provoquer l’adhésion de l’auditoire.