Liberté, égalité, solidarité ? S’il ne fait aucun doute que la justice s’appuie sur les valeurs d’égalité et de liberté pour rendre ses jugements, qu’en est-il de la solidarité ? Récemment, la Cour de justice européenne a reconnu la solidarité en tant que principe fondamental. Mais la reconnaissance est loin d’être universelle et la solidarité se trouve depuis une trentaine d’années mise à mal par l’idéologie libérale qui la conçoit comme un frein au développement économique. La question que se posent alors les dix-huit contributeurs de cet ouvrage est la suivante : la solidarité peut-elle être, au même titre que la liberté ou l’égalité, un droit universel ?
Rassemblés en trois parties, les dix-huit textes peuvent se lire indépendamment les uns des autres, selon les centres d’intérêt du lecteur. Mais lus ensemble, ils forment un tout cohérent qu’Alain Supiot parvient à mettre en valeur dans l’introduction, utilisant chaque excursion (historique, sociologique, géopolitique, juridique) pour sa propre démonstration.
Avant d’être une valeur, la solidarité a pu exister en tant que principe juridique. Dans le droit romain, elle désignait un principe de responsabilité collective en cas de pluralité de créanciers ou de débiteurs d’une même obligation. Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que la solidarité prend une signification sociale. Le sociologue émile Durkheim soutient qu’il n’existe pas de société sans solidarité entre ses membres. Dans le même temps, la solidarité prend une dimension politique avec les solidaristes. Léon Bourgeois voit dans la solidarité une norme indispensable que l’état a pour rôle de faire respecter. La création du système de Sécurité sociale français en 1945 en sera l’aboutissement. Ainsi, ni assurance ni assistance, la solidarité ne conçoit ni les contributions proportionnellement aux risques auxquels chacun est soumis, ni ne divise le monde entre payeurs et receveurs. Elle se définit comme la contribution de chacun selon ses capacités et le droit d’en bénéficier selon ses besoins.