La violence ordinaire dans les organisations

La Violence ordinaire dans les organisations. Plaidoyer pour des organisations réflexives. Gilles Herreros, Érès, 2012, 199 p., 24 €.

Dès les premières pages de son livre, Gilles Herreros précise : la violence dont il veut rendre compte n’est le fait ni de pathologies individuelles, celles qui poussent au harcèlement moral, ni celui d’une « société malade de la gestion », selon l’expression de Vincent de Gaulejac. G. Herreros ne nie pas l’existence des unes, pas plus qu’il minore les travers du management contemporain. Mais la violence dont il veut rendre compte est plus ordinaire. Ici, ce sont les employés du service logistique d’un hôpital qui sont traités par tous comme des paresseux impénitents. Là, c’est une secrétaire pourvue de plusieurs décennies d’ancienneté qui demeure l’éternelle oubliée des promotions et des augmentations. Là encore, c’est un chef de service nouvellement nommé qui se voit signifier par un autre responsable que « tant que tu respectes mon territoire, tout ira bien entre nous. Mais si tu viens marcher sur mes plates-bandes, je te tue. » Dans ces épisodes glanés au cours d’interventions en entreprises, le sociologue tente de démêler un écheveau complexe de malentendus sédimentés, de gestes mal interprétés, de marginalisations lentes mais inexorables, de combats de coqs. Cette violence-là repose sur la complicité de nombreux salariés, chefs et subordonnés, sans que nul en soit véritablement conscient. Les personnes dont elle est la cible sont cependant blessées, heurtées, meurtries. Elles souffrent en silence, ou finissent par craquer, essorées. Conjurer une telle violence exige d’abord de l’intervenant une certaine subtilité dans l’analyse, et ensuite une capacité à rendre visibles et compréhensibles par les acteurs eux-mêmes les agissements nuisibles qui sont les leurs. Bref, il doit aider les organisations à devenir « réflexives ».