La virilité ébranlée

Des papas-poules, des machos, des coquets, des baraqués, des tendres, des durs... Il semblerait que les hommes n’échappent pas aux grands chambardements en cours dans la construction des identités sexuelles.

C’est décidé, Arnaud jette l’éponge, il n’ira plus travailler. Murielle, sa compagne, cadre supérieure dans une grande entreprise, est en pleine ascension professionnelle, elle gagne suffisamment pour faire vivre la famille, s’ils décident de congédier la nounou. Il s’occupera donc des trois enfants et de la maison à plein-temps. D’ailleurs, il a toujours aimé ça. Les petits, il les a changés, nourris, soignés dès leur naissance. « La seule chose que je n’ai pas pu faire, confie-t-il, c’est les allaiter ! » Il se sent très frustré lorsqu’il rentre trop tard pour leur raconter la suite de l’histoire qu’il invente au fil des jours en se cachant sous la couette avec ses trois bambins. Une histoire de superhéros qu’il a inventée de toutes pièces, où le géant Balthazar, à chaque épisode, déploie ruse et force physique contre les méchants…

Car Arnaud est bien un homme, avec des goûts et des activités typiquement masculines. Il n’abandonnera pas, d’ailleurs, la fréquentation régulière de son club de rugby, où après avoir déchargé son adrénaline sur le terrain, il aime aller boire un verre entre copains en racontant des blagues grivoises.

S’il n’est pas le pourvoyeur des ressources économiques, à la maison, tout ce qui ressort de la technique et de l’informatique est son domaine. Et s’il sait se faire l’aide-soignant de toute la famille, lorsque lui est malade, il se cache pour prendre ses médicaments. Car Arnaud, même s’il a décidé de rompre avec certaines conventions qui définissent le partage entre le masculin et le féminin, n’est pas pour autant complètement exempt de ce que le sociologue Erik Neveu appelle « le cahier des charges de la virilité » (1) : se montrer fort, protecteur, faire figure de mâle dominant, ce que d’ailleurs sa compagne lui demande.

Pas simple d’être un homme du xxie siècle ! C’est pourquoi il serait bien difficile d’en dresser un portrait type. Des machos plus ou moins brutaux, des dandys coquets et raffinés, des tendres, des durs, des fidèles, des coureurs de jupon, des papas-poules, des amateurs de grosses voitures ou de soirées télé-pizza-foot, des hétéros, des homos, des bisexuels… Parfois un peu de tout cela à la fois. Sans compter, préviennent les sociologues, que les choses changent si vite actuellement que l’on remarque des différences notables selon les âges, mais aussi selon les milieux et les cultures (2).

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La longue histoire de la virilité