Le burn-out est parfois considéré comme un phénomène d’apparition récente. En fait, on trouve, loin dans le temps, la trace de description clinique du burn-out. Ainsi, dans l’Ancien Testament, la grande fatigue du prophète Élie, qui s’épuisait à prêcher dans le désert, serait aujourd’hui qualifiée d’état de burn-out. De même, dans l’un des romans les plus célèbres de Thomas Mann, Les Buddenbrook, publié il y a un siècle, le personnage principal s’effondre dans ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de véritable burn-out.
Mais c’est dans un article médical publié en juin 1959 que le psychiatre français Claude Veil introduit le concept d’épuisement professionnel dans l’histoire de la médecine. Il écrivait alors : « L’état d’épuisement est le fruit de la rencontre d’un individu et d’une situation. L’un et l’autre sont complexes, et l’on doit se garder des simplifications abusives. Ce n’est pas simplement la faute à telle ou telle condition de milieu, pas plus que ce n’est la faute du sujet. » Pour Claude Veil, « tout se passe comme à la banque : tant qu’il y a une provision, les chèques sont honorés sans difficulté, quel que soit leur montant. Mais dès qu’on se trouve à découvert, le tirage, si petit soit-il, devient impossible… Cherche-t-il des expédients de trésorerie ? Ce sera le dopage, le café, l’alcool surtout. »
La paternité du terme même de burn-out professionnel revient malgré tout à Herbert Freudenberger, psychanalyste allemand établi à New York. Il a introduit ce terme en 1971 pour décrire la perte d’enthousiasme de bénévoles consacrant leur temps à aider des usagers de drogues dures. Ces jeunes bénévoles travaillaient dans des « free clinics » pour toxicomanes et finissaient par se décourager, manifestant des troubles émotionnels comme des crises d’angoisse, et des symptômes physiques d’épuisement (endormissement, vertiges…). H. Freudenberger désigne par l’expression « burn-out syndrome » cet état d’épuisement émotionnel : « En tant que psychanalyste et praticien, écrit-il, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. »
C’est la psychologue américaine Christina Maslach qui, dans les années 1980, a analysé cet épuisement survenant en milieu professionnel.
La triade du burn-out
Les travaux de la psychologue Christina Maslach restent encore aujourd’hui, après plus de trente ans, la référence majeure sur le burn-out, considéré comme un état psychologique et physiologique résultant de l’accumulation, dans la durée, de facteurs de stress professionnels. La description du burn-out, élaborée par C. Maslach, est organisée en une triade de symptômes.
• L’épuisement émotionnel, à savoir un état de fatigue physique et psychologique caractérisé par une absence quasi totale d’énergie émotionnelle qui se répercute sur la vitalité de l’individu. Celui-ci, trop engagé dans des activités professionnelles a épuisé peu à peu son « capital » énergie. Il se sent littéralement « vidé », « au bout du rouleau ». Ce manque d’énergie est d’autant plus néfaste que l’individu pense qu’il n’a aucun moyen à sa disposition pour « recharger ses batteries ».
• Un état qualifié de dépersonnalisation, ou plutôt de « déshumanisation » caractérisé par une attitude négative et détachée de la part de l’individu envers les personnes avec lesquelles il interagit dans le contexte professionnel (collègues, clients, usagers, patients, etc.). Il n’éprouve plus aucune empathie envers les autres, traités comme de simples « objets ». Cette « froideur » des relations interpersonnelles prend souvent la forme d’un cynisme.
• Une diminution du sens de l’accomplissement et de la réalisation de soi. L’individu porte un regard particulièrement négatif et dévalorisant sur la plupart de ses réalisations et accomplissements personnels et professionnels. Il est démotivé et son estime de soi s’en ressent. La perte de confiance en soi résultant de ce type d’attitude est associée à un vécu dépressif important et à une incapacité à faire face aux obligations professionnelles.
On voit bien que la traduction dans notre langue du terme burn-out en « épuisement professionnel » pose un sérieux problème. Car elle réduit le burnout à cette seule dimension, alors qu’on ne peut pas parler de burnout en l’absence des deux autres.
Une échelle de mesure développée par C. Maslach (le Maslach Burnout Inventory ou MBI) évalue chacune de ces trois dimensions en trois niveaux : faible, moyen, élevé. Mais le MBI ne peut être considéré comme un outil diagnostique, c’est un simple outil d’évaluation de l’intensité de symptômes.