Le chien a-t-il fait l'homme ?

Les découvertes récentes bouleversent 
ce que l’on croyait savoir de la domestication du chien.


Jusqu’à ces dernières années, on ne pouvait pas savoir d’où venait le chien. L’analyse de l’ADN a permis de prouver que les plus grands biologistes comme Charles Darwin et ­Konrad Lorenz s’étaient trompés : le chien ne provient pas d’un croisement entre canidés – ce qui leur paraissait nécessaire pour expliquer cette incroyable diversité de races – mais uniquement du loup, dont il diffère à peine génétiquement. Des fouilles dans des sépultures préhistoriques ont montré que le chien, le premier animal domestique, n’a pas 8 000 ans comme on le croyait encore récemment, mais qu’il est quatre fois plus ancien. Les premiers villages datent de 10 000 à 12 000 ans avant notre ère, mais au moins 23 000 ans avant, ce sont les chasseurs-cueilleurs nomades que nous étions alors qui ont domestiqué le loup pour en faire le chien (1)  1!

L’alliance du primate et du loup

À la suite d’un concours de circonstances et pour éviter qu’il soit euthanasié, j’ai élevé un loup en famille. J’ai ainsi pu constater que l’adoption permet une intimité bien plus étroite que le commensalisme, souvent avancé pour expliquer la domestication de loups qui auraient suivi nos ancêtres et mangé leurs restes. J’ai ainsi découvert que le loup défend les membres de sa meute alors que l’altruisme était inconnu dans cette espèce 2. Or le loup pratique la chasse collective de proies dix fois plus grosses que lui, et ce mode de vie de prédateur social – original dans le monde animal puisqu’il ne concerne que 2 % des mammifères – nécessite des adaptations comportementales : une solidarité entre les membres du clan, un système de communication sophistiqué, l’élevage collectif des jeunes, une hiérarchie stricte, la coordination des activités de chasse et de partage du butin, la défense collective du territoire de la meute.