Le monde contemporain est paradoxal. Il se caractérise par une grande diversité culturelle, tout en s’unifiant par des imaginaires iconographiques, narratifs partagés. Loin de disparaître, les frontières culturelles qui unissent et séparent les groupes humains deviennent à la fois plus poreuses et plus rigides, plus ouvertes et plus fermées. Nos sociétés s’ouvrent aux autres : les consommations culturelles venant d’ailleurs et les mobilités internationales les confrontent en permanence à la différence culturelle. Dans un monde où l’altérité – réelle, fantasmée, inventée – est omniprésente, la sensibilité à la différence devient plus aiguë. Le pluralisme culturel impose à chacun de comparer sa propre identité à celles d’autrui 1. Ces mêmes sociétés connaissent également un repli identitaire, que l’on observe notamment par la diffusion d’une rhétorique xénophobe et le retour en force et/ou l’essor de l’antisémitisme et de l’islamophobie.
On ne saurait s’étonner. La globalisation – qui est à l’origine de ce paradoxe – est une machine à produire des interdépendances, et accentue aussi bien l’intégration que la fragmentation, l’inclusion que l’exclusion 2. Elle fournit des opportunités d’ouverture culturelle et d’empowerment pour les individus les plus mobiles, mais engendre de nouvelles inégalités, des frustrations, du désenchantement, du déracinement. Ceux qui se perçoivent comme les perdants de la compétition économique globale, comme les exclus du partage des richesses sont tentés par le repli identitaire.