Le couple réinventé

Aujourd’hui, les unions se font et défont au gré des rencontres. On se marie moins. On divorce davantage. Certains ne veulent même plus vivre sous le même toit. Le couple aurait-il du plomb dans l’aile ?

Ma mère s’est mariée en 1970. Née en 1950, elle n’était pas encore majeure (21 ans à l’époque), mais travaillait déjà à l’usine. Mon père revenait du service militaire. Ils s’étaient rencontrés quelques mois auparavant, lors d’un bal de village. L’amitié s’est transformée en amour. Rapidement, mes grands-parents ont convenu d’une date de mariage. L’année suivante, mon frère naissait, suivi de ma sœur, et, un peu plus tard, moi. Mes parents ont vécu ensemble contre vents et marées, « jusqu’à ce que la mort les sépare », comme dit l’adage. Ma mère a démissionné de son emploi salarié pour travailler dans l’exploitation familiale, tenir la maison et éduquer les enfants, quarante ans durant.

Je me suis mariée en 2015, à la veille de mes 30 ans. Avec mon conjoint, nous vivions en concubinage depuis cinq ans. Nous avons attendu d’avoir une situation stable – que chacun ait un emploi fixe – avant d’officialiser notre union. Nous avons hésité entre le pacs « la fleur au fusil », comme beaucoup de nos amis, ou l’artillerie lourde du mariage. Mon mari a toujours voulu se marier, mais j’hésitais : trop contraignant et risqué vu le nombre de divorces aujourd’hui. Finalement, je l’ai demandé en mariage, par amour et par volonté de stabilité, par effet de mode aussi parce que le mariage pour tous m’a donné le sentiment que cette institution pouvait être égalitaire. Les enfants ? Nous préférons notre petite vie à deux pour le moment. Et hors de question d’être une desperate housewife ! Il passe la serpillière, moi, le balai. Nous n’avons pas réussi à nous entendre pour faire la vaisselle, alors nous avons investi dans un lave-vaisselle.

Presque un demi-siècle sépare ces deux unions, une durée pendant laquelle le couple dit « traditionnel » a volé en éclats. Le rideau est aujourd’hui (presque) tiré sur une vie maritale qui tenait la femme au foyer financièrement dépendante de l’homme qui travaille. Un par un, les rituels qui organisaient la vie à deux se sont effondrés, explique le sociologue Jean-Hugues Déchaux  1.

Le maintien de la volonté de faire couple

Le mariage est le premier d’entre eux. Jusqu’au début des années 1970, il constituait un « rite de passage » à part entière. En complément du service militaire pour les hommes, il faisait entrer les jeunes dans l’âge adulte : la sexualité devenait légitime et souvent, dans la foulée, l’enfantement. Se marier était synonyme de maturité, ou du moins, d’autonomisation par rapport à ses parents.

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En quelques dizaines d’années, ce passage quasi obligatoire pour les couples est devenu une option. Alors qu’en 1970, on enregistrait près de 400 000 unions maritales civiles, il n’y en a plus que 241 000 en 2014  2. Subsiste aujourd’hui le « noyau dur » des promariages, ceux qui ont gardé foi en cette institution. Par ailleurs, le mariage pour tous a temporairement stoppé l’érosion : en 2014, 10 000 unions entre personnes de même sexe ont été célébrées. Les unions hétérosexuelles continuent de décroître, mais plus lentement (presque 15 000 unions de moins entre 2012 et 2013 pour une diminution de seulement 225 entre 2013 et 2014).

Le mariage est aujourd’hui concurrencé par d’autres manières de vivre à deux, comme la cohabitation, l’union libre, ou le pacte civil de solidarité (pacs). En 1970, 92 % des femmes âgées de 40 ans étaient mariées et 84 % des hommes du même âge. En 2010, elles ne sont plus que 66 % et 60 % parmi les hommes. En 2013, on a enregistré 239 000 mariages pour 168 000 pacs, un nombre qui ne cesse de croître depuis l’instauration de cette forme d’union en 1999.