Le développement de la créativité

La créativité naît de la rencontre entre des capacités cognitives, certaines caractéristiques émotionnelles et des facteurs environnementaux. Son développement, fait de phases de croissance et de déclin, est inégal.

« Quand votre démon est à l'œuvre, ne pensez pas consciemment. Laissez-vous porter, attendez et obéissez », écrivait Rudyard Kipling, en faisant allusion à son expérience d'auteur des Livres de la Jungle et autres ouvrages inspirés. Cette vision essentiellement mystique de l'acte créatif traverse les siècles et perdure certainement dans nos conceptions implicites quand nous sommes confrontés à des œuvres qui semblent nous dépasser.

Pourtant Aristote déjà envisageait que l'acte créatif prend sa source dans la sphère mentale plutôt que dans les interventions divines 1. Mais il a fallu attendre Francis Galton (1883) pour que l'étude scientifique de la créativité commence, suivie au début du XXe siècle par les travaux d'auteurs tels que Théodule Ribot, Alfred Binet, Sigmund Freud, Charles Spearman ou Graham Wallas. Dans les années 1950, les travaux de Joy Paul Guilford puis de Paul Torrance vont faire date. Ils proposent et mettent à l'épreuve, par la construction de tests toujours utilisés, l'idée selon laquelle la créativité s'appuie sur des opérations intellectuelles, et tout particulièrement sur la pensée divergente ? cette capacité à trouver un grand nombre d'idées à partir d'un stimulus unique. Les vingt dernières années vont voir se développer une approche cognitive du domaine. Des recherches expérimentales, des études de cas et des simulations en intelligence artificielle vont permettre l'exploration des représentations mentales ainsi que des traitements de l'information lors de l'acte créatif.

A quelle définition cette évolution historique des conceptions sur la créativité a-t-elle abouti ? Si elle reste un sujet de recherche en soi, cette définition fait néanmoins aujourd'hui l'objet d'un relatif consensus. La plupart des chercheurs l'envisagent en effet comme la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste. Ce point de vue permet de réunir en un seul objet d'étude la créativité psychologique ? encore appelée « créativité c minuscule »2? qui s'observe dans les solutions innovantes que chacun peut produire dans sa vie quotidienne et la créativité historique ? ou « créativité C majuscule » ? qui produit des ruptures épistémologiques et culturelles, comme l'ont fait les travaux de Charles Darwin ou les œuvres de Pablo Picasso sur l'évolution et la peinture. « Une telle définition permet (également) de concevoir un espace commun dans lequel les productions de créateurs éminents et celles observées chez l'enfant prendraient place3 » : les conduites tout à la fois originales et adaptées ne sont pas uniquement du ressort de l'adulte.