En 1880, Hubertine Auclert, fondatrice du journal suffragiste La Citoyenne, est un jour arrêtée par la police. Le rapport qui s’ensuit la décrit comme « affligée de folie ou d’hystérie, une maladie qui la porte à se penser l’égale des hommes 1 ». Qui pourrait nier que bien de l’eau a coulé depuis 150 ans !
Si l’idée d’égalité entre les sexes a une histoire ancienne, portée au fil des siècles par de nombreuses pionnières 2, le terme de féminisme est entré par effraction dans le langage du 19e siècle. D’abord employé péjorativement pour désigner des hommes peu virils, il ne prendra son sens moderne qu’à la toute fin du siècle, avec les premiers combats des suffragettes qui réclament le droit de vote. Sans pour autant se défaire de sa connotation péjorative qui agonise lentement, sans jamais rendre son dernier souffle…
Mais qu’importe ! Aujourd’hui, les sociologues s’accordent à voir le mouvement féministe comme le plus important mouvement social de la modernité. Il a œuvré à mettre fin à des millénaires d’une partition dans laquelle la moitié de l’humanité était entièrement vouée au rôle d’épouse et de mère, exclue des études, de la citoyenneté, et des lieux de pouvoir. Aujourd’hui, les combats pour l’égalité des sexes sont présents sur toute la planète. Avec des décalages et des particularismes liés à chaque culture. D’abord apparu dans les pays occidentaux en même temps que progressait l’idée de démocratie, le féminisme est présent aujourd’hui sur l’ensemble des continents de l’Amérique latine aux pays arabes, de l’Asie à l’Afrique subsaharienne…
Une histoire conflictuelle
L’histoire du mouvement féministe est discontinue ; elle s’est déployée par vagues successives (encadré ci-dessous). Le 19e siècle a été celui de la lutte pour les droits civiques. Alors que la Révolution française a proclamé les droits de l’homme et du citoyen, elle a laissé les femmes aux portes de la cité. Les luttes du 19e siècle sont polarisées autour de la revendication de droits civiques, économiques et éducatifs. La seconde vague naît au tournant des années 1960-1970. Inscrite dans la mouvance de la contre-culture qui puise ses racines dans le marxisme et la psychanalyse, la nouvelle génération de féministes, beaucoup plus radicales, oriente ses combats sur le corps et la sexualité, brisant les tabous les plus ancrés sur la libre disposition de leur corps, mais aussi la liberté d’aimer en choisissant son orientation sexuelle. Les combats des féministes des années 1970, n’auront pas été vains (notamment le droit à l’IVG). Parallèlement à ces luttes, les filles sont devenues aussi nombreuses que les garçons à poursuivre leurs études et ont investi massivement le marché du travail. Les années 1980 sont marquées par de nombreuses avancées pour les droits des femmes, à l’initiative des États et des institutions internationales comme l’Europe ou l’Onu.