L’effet mécanique des alliances entre grandes puissances dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale est une thèse communément admise. Mais ce funeste enchaînement, qui précipita le début d’un conflit inégalé et la fin d’un monde, fait toujours l’objet de discussions entre historiens. Les décisionnaires ont-ils agi en « somnambules », comme l’expliquait récemment Christopher Clark, ou bien en acteurs lucides d’une volonté de puissance assumée ? Et dans ce cas, qui fut le principal responsable du conflit ?
C’est la question à laquelle s’attaque Gerd Krumeich, en passant en revue l’impressionnante bibliographie consacrée au sujet depuis le début même de la guerre. Certes, les thèses ont pu évoluer en fonction des sources peu à peu mises à disposition des historiens. Mais pour l’essentiel, les éléments déterminants sont accessibles depuis plusieurs dizaines d’années. Malgré l’accumulation des documents diplomatiques précédant le conflit, malgré les omissions et arrangements des militaires et des hommes d’État dans leurs récits des faits, et en dépit des enjeux mémoriaux des nations, G. Krumeich tire une conclusion sans appel : « Ce sont bien les empires centraux (Allemagne et Autriche-Hongrie) qui sont les principaux responsables de l’éclatement du conflit parce qu’ils ont mis le feu aux poudres, mais l’accumulation de matériaux inflammables n’était pas seulement de leur fait. » La peur d’être encerclés des uns, la capacité des autres d’entretenir cette peur et la phobie générale du déclin ont permis la conflagration.