Sylvie Brunel aime s’attaquer aux idées reçues. Son premier livre annonçait déjà la couleur : Tiers-mondes. Controverses et réalités(1987), s’opposant à une vision misérabiliste et à sens unique de ce que l’on appelait encore le tiers-monde. Depuis, la géographe a abordé bien d’autres sujets sensibles – la faim dans le monde (elle a montré que le climat y était pour peu et les guerres pour beaucoup). Puis elle a écrit sur l’Afrique (qui n’est pas que le continent de la misère, du sida et des guerres), le développement durable (et ses nouveaux mythes rédempteurs), le tourisme de masse (dont elle défend les vertus). S. Brunel semble s’être fait une spécialité de défendre des causes difficiles.
La défense du maïs en est une. Devenue aujourd’hui « la plante à abattre », on l’associe aux OGM, aux agrocarburants, à la surconsommation d’eau. Elle semble concentrer tous les reproches que l’on fait à l’agriculture intensive et aux firmes agroalimentaires. S. Brunel a décidé de mener l’enquête : « J’ai voulu démêler le faux du vrai. » Elle est allée à la rencontre des agriculteurs, a ouvert les rapports et dossiers et propose un état des lieux décapant propre à tailler en pièces bien des préjugés.
Tout d’abord, la géographe donne la mesure exacte de l’importance du maïs dans le monde actuel. Elle est énorme. Première surprise : le maïs est la première céréale cultivée au monde – loin devant le blé ou le riz – et continue son expansion. Comment se fait-il ? Ce n’est pas notre consommation de pop-corn, de céréales au petit-déjeuner ou de maïs en salade qui explique une production aussi monumentale. En fait, le maïs est présent dans notre alimentation, mais de façon invisible : il entre dans la fabrication d’énormément de plats consommés sous forme d’amidon, de sucre, d’huile, de gélifiant. Il est aussi un produit de base pour l’alimentation animale. Enfin, il sert aussi à la fabrication des peintures, des colles, des huiles. Le maïs est invisible, mais il est partout. Aux États-Unis, il est aussi source des agrocarburants qui engloutissent le tiers de la récolte américaine. Enfin, le maïs est l’alimentation de base en Amérique latine et en Afrique. Le maïs est vital pour un pays comme le Bénin où on le cultive massivement et où on le consomme sous toutes ses formes : en grains, en bouillies, en boulettes. En fait, il permet de nourrir la population sans utiliser trop de terres : il pousse partout et peut produire deux récoltes annuelles. C’est là que l’on découvre les avantages agricoles de cette plante. Sa productivité est exceptionnelle et elle demande peu de travail (il « pousse tout seul », à la différence du riz).