Le monde des chrétiens

En 1900, les chrétiens étaient majoritairement européens. Aujourd’hui plutôt des Amériques, ils seront demain asiatiques et africains. Un séisme démographique sans équivalent dans l’histoire.

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Il y a quelques années, les historiens du christianisme Todd M. Johson et Sun Young Chung avaient tenté de cartographier le déplacement du centre de gravité de la Chrétienté globale entre les années 33 et 2100. Évidemment, la première date est plus symbolique qu’historique, dans la mesure où la crucifixion de Jésus, autant qu’on puisse parvenir à en cerner la datation, n’a pas eu lieu en 33, mais plusieurs années auparavant. Et ce centre de gravité démographique est évalué par rapport à la masse des croyants et ne correspond donc pas au centre institutionnel, politique, de la Chrétienté, qu’il faudrait d’ailleurs décliner au pluriel en raison des divisions successives qui se font faites au fil des siècles.

Selon ces auteurs, le centre de gravité s’est pendant près de deux mille ans, grosso modo, translaté vers l’ouest, jusqu’à se situer quelque part au sud du Maroc vers 1970. Mais depuis, ce point se déplace en direction du sud-est et, vers 2100, il se localiserait au Nigeria. Cette évolution traduit assez bien l’histoire même du christianisme. Religion sectaire 1 née parmi les juifs de Palestine, devenue ensuite religion d’État dans l’Empire romain, le christianisme s’est imposé en Europe, avec laquelle il s’est pendant longtemps confondu, avant d’être diffusé, de gré ou de force, dans de multiples autres régions du monde, notamment dans le continent américain. Aujourd’hui, c’est la croissance démographique de l’Afrique qui donne sa force à la religion chrétienne.

Tel est le scénario géohistorique du christianisme qu’on pourrait rapidement esquisser. On s’attardera un peu plus sur trois moments, passé, présent, futur.

 

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› 1900

Au début du 20e siècle, on estime qu’environ deux tiers des chrétiens vivaient en Europe et un peu plus d’un quart en Amérique. L’Europe restait donc encore prédominante, mais on ne pouvait plus confondre Chrétienté et Europe, comme ce pouvait être encore le cas au 15e siècle lorsque le nom même d’Europe émergea sous la plume du pape Paul II. La conquête du continent américain par les Européens à partir des années 1490 s’est accompagnée d’une christianisation forcée des populations amérindiennes, même si, jusqu’à aujourd’hui, des rituels anciens ont pu perdurer sous des formes hybrides. Le christianisme s’y est également développé avec l’arrivée d’Européens, déjà chrétiens, notamment au cours du 19e siècle. Rappelons en effet que ce sont plus de 55 millions d’émigrés européens qui se sont alors installés en Amérique, dont 34 millions aux États-Unis.