Que signifie l’idée d’une « financiarisation » du monde ?
La financiarisation est le processus par lequel la finance occupe une place de plus en plus importante dans le fonctionnement de nos sociétés, à l’échelle globale comme à celle des entreprises. À la fin du 19e siècle et au début du 20e, de nouvelles valeurs et des lois de plus en plus permissives autorisent les activités économiques à échapper au contrôle de la société. Cela précipite la crise de 1929, qui s’explique en partie par la possibilité de spéculer en bourse à crédit. En réaction, on assiste à une réaffirmation du pouvoir de la politique sur l’économie, dont le New Deal de Roosevelt peut constituer un premier exemple. Dans un ouvrage célèbre publié en 1944, La Grande Transformation, l’économiste hongrois Karl Polanyi décrit le choix qu’ont à faire les sociétés entre un marché libre et une régulation de l’économie, entre le « désencastrement » et l’« encastrement » de l’économie. À partir des années 1970, on assiste à nouveau à un « désencastrement ».
Quelles ont été les principales étapes de ce processus ?
La nouvelle financiarisation qui se met en place depuis les années 1980 est propulsée par plusieurs réformes. L’une d’entre elles est la fin du système monétaire international. Issu des accords de Bretton Woods, ce dernier avait tenté, à partir de 1944, de stabiliser les valeurs des monnaies entre elles et de contrôler les flux de capitaux d’un pays à l’autre. À partir du milieu des années 1970, à l’inverse, les valeurs des monnaies fluctuent librement et on lève progressivement les obstacles à la libre circulation des capitaux, ce qui démultiplie les possibilités de spéculation. Ces réformes peuvent aussi être nationales : en France, à partir du milieu des années 1980, on facilite l’accès de l’État aux marchés financiers pour emprunter, on incite fiscalement les ménages à placer leur épargne en Bourse et on décloisonne les activités des banques, qui ne sont plus seulement chargées de collecter des dépôts et d’accorder des crédits mais peuvent mener d’autres activités et davantage intervenir sur les marchés financiers.