Le capitalisme est-il mortel ?

Depuis sa naissance, le capitalisme fait l’objet de violentes attaques. Hier soupçonné d’être un instrument de domination, aujourd’hui accusé de détruire la planète, il s’adapte, se reformule. Et résiste.

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Au 18e siècle, le mot « capitaliste » désigne une personne qui détient du capital, par exemple de l’argent. Autrement dit, un capitaliste est un riche. Le terme « capitalisme » n’apparaît quant à lui pour la première fois qu’en 1850 dans la neuvième édition d’Organisation du travail du socialiste Louis Blanc qui l’identifie à « l’appropriation du capital par les uns, à l’exclusion des autres ». Mais jusqu’au début du 20e siècle, il ne sera que rarement utilisé, même par Karl Marx. Avec la Révolution russe de 1917, le mot gagne en audience et prend une connotation positive pour les opposants au communisme, qui en viennent eux-mêmes à se définir comme des défenseurs du capitalisme.

Pour autant, sa signification n’a jamais été très précise, souligne l’économiste Pierre-Yves Gomez (Le Capitalisme, PuF, coll. « Que sais-je ? », 2022). Certes, par son opposition au communisme, le capitalisme défend le droit à la propriété privée des biens de production. Si on s’en tient à cet aspect, être capitaliste, c’est défendre la liberté d’entreprendre et de commercer. Cette caractérisation reste toutefois assez limitée. Que veulent donc ceux qui, de nos jours, continuent à décrier le capitalisme, tout en disant ne pas vouloir revenir au système soviétique ?

Aujourd’hui, outre son utilisation en référence à une société où les moyens de production peuvent être privés, le mot « capitalisme » désigne tout système économique où le capital financier, le commerce, la recherche du profit ou encore la division du travail occupent une place relativement importante. Autant de composantes qui se seraient principalement développées avec la révolution industrielle, voire un peu avant. De ce point de vue, le monde capitaliste succède au monde féodal, qui lui-même a succédé au monde antique.

Certains penseurs s’aventurent même à définir les étapes de son développement. Par exemple, estimant que le capitalisme « consiste essentiellement à investir de l’argent dans l’espoir de réaliser un profit 1 », le sociologue James Fulcher le fait commencer au 17e siècle, quand la Compagnie des Indes met sur pied sa première expédition. Quatre bateaux quittent ainsi l’Angleterre en 1601 pour Sumatra et Java et reviennent dix-huit mois plus tard, les cales remplies de poivre. Après un second voyage en 1604, les profits s’élèvent à 95 % des investissements. À ce capitalisme marchand vient s’ajouter, à la fin du 18e siècle, un capitalisme industriel où l’investissement concerne cette fois-ci des machines et des bâtiments dans lesquels viennent travailler des milliers de personnes. C’est le début de la production de masse et du développement du salariat. Pour terminer, la fin du 20e siècle voit se surajouter le capitalisme financier où, cette fois-ci, l’investissement passe par des produits financiers (actions, obligations, devises, produits dérivés, etc.).