Le tourisme en quête d'authenticité

Chez les San ou les Aborigènes, les touristes viennent chercher confirmation de leurs idées. Les autochtones mettent en scène une vision attendue de leur culture. Mais qui sont-ils en réalité ?

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Il y a quelques années, alors que je travaillais parmi les San, au Nyae Nyae Conservancy, en Namibie, un groupe de touristes d’Australie est venu pour une visite guidée.

Les San, dits aussi Bushmen, sont des chasseurs-cueilleurs autochtones d’Afrique australe. Cette catégorie générale englobe environ 100 000 personnes et plusieurs groupes linguistiques. Les San de Nyae Nyae sont connus comme Ju/’hoansi. Comme dans nombre de sociétés égalitaires de petite taille, cette autodésignation se traduit comme « les vrais gens ».

Je me glissai parmi les touristes pendant qu’un groupe de San, vêtus d’habits traditionnels en peaux d’animaux, les menait dans la brousse. Assisté par un jeune homme qui traduisait en anglais, le guérisseur local décrivit différentes plantes, leurs usages médicaux et alimentaires. Les femmes montrèrent comment utiliser des bâtons à creuser pour tirer des tubercules du sol sablonneux du désert. Les chasseurs firent étalage des techniques de fabrication des arcs et des flèches, expliquant comment ils extraient du poison d’une larve qui se trouve sous un arbre particulier afin d’en enduire les projectiles. Ils confectionnèrent un collet pour attraper de petits oiseaux et mammifères, et allumèrent un feu avec deux bâtons et de l’herbe sèche.

Les Australiens furent impressionnés et posèrent de nombreuses questions. Alors qu’ils s’apprêtaient à quitter le village, je les écoutais vanter la culture des San. Ce qui me poussa à leur demander s’ils voyaient des similitudes entre les San et les Aborigènes de leur propre pays. À mon grand désarroi, un homme éclata de rire, approuvé par plusieurs de ses compatriotes : « Les Aborigènes ? Ils n’ont plus aucune connaissance de la sorte ! Ces parasites ne font que boire de l’alcool, mendier de l’argent, vivre de l’aide du gouvernement ! » Mes efforts pour questionner leurs stéréotypes furent accueillis avec le mépris de ceux qui « savent de qui ils parlent ».