Devoir fréquemment s’interrompre pour réaliser une tâche plus urgente, respecter des délais serrés ou répondre immédiatement à la sollicitation d’un collègue ou d’un client… C’est à ce type de contraintes que se mesure ce que l’on appelle l’intensité du travail. Tous les sept ans depuis 1984, la Dares, le service de recherches et d’études du ministère du Travail, mène une enquête pour savoir comment évolue cette intensité. Et si l’enquête 2005 avait, contre toute attente, mis en évidence une « pause » dans l’intensification du travail qu’avaient diagnostiquée les volets précédents, l’édition 2013, dont la Dares vient de publier les résultats, montre que cela n’était en fait qu’une parenthèse : depuis trente ans, le travail n’a jamais été aussi contraint.
Rythmes et sollicitations
L’enquête, fondée sur les déclarations de 34 000 salariés en France, montre ainsi que la part de ceux qui subissent au moins trois contraintes de rythme (cadence d’une machine, dépendance vis-à-vis des collègues, surveillance permanente de la hiérarchie) atteint désormais 35 %, contre seulement 6 % en 1984. Les auteurs notent que les frontières sont aujourd’hui beaucoup plus floues entre les contraintes de type industriel (avoir son rythme fixé par une machine, devoir respecter des délais d’une journée au plus) et celles de type marchand (devoir répondre à des sollicitations – clients, public – exigeant une réponse immédiate). Alors qu’elles caractérisaient chacune un monde professionnel spécifique, elles tendent désormais à se croiser, puisqu’un tiers des salariés dit subir des contraintes des deux types. Si ce cumul s’étend à toutes les catégories socioprofessionnelles, les ouvriers y restent malgré tout plus exposés que les autres groupes. La proportion de salariés dont le rythme de travail est imposé par un contrôle ou un suivi informatisé est également en forte hausse (35 % contre 25 % en 2005), en particulier chez les cadres (+ 12 %) et les professions intermédiaires (13 %). Autres indices de l’intensification du travail : l’augmentation des personnes interrogées déclarant « ne pas pouvoir quitter leur travail des yeux » ou « devoir fréquemment abandonner une tâche pour une autre plus urgente ». De même, le contact avec le public s’étend et concerne désormais sept salariés sur dix, augmentant par là même la probabilité d’être « en contact avec des personnes en situation de détresse » (44,3 % des salariés contre 38 % en 2005) ou de « devoir calmer les gens » (53,3 %) – ce qui, on l’imagine, n’aide guère à se détendre au bureau.