Si les humains sont des innovateurs nés, il vaut mieux être né au bon moment et au bon endroit pour réussir. Les génies n’apparaissent pas au hasard. Léonard de Vinci vécu à l’époque de la Renaissance italienne et côtoyait Michel-Ange, Raphaël et bien d’autres ingénieurs et savants de la Renaissance. Thomas Edison installe son empire Menlo Park dans le New Jersey, près de New York, qui est alors le foyer de la seconde révolution industrielle.
Steve Jobs et Bill Gates sont nés la même année (1955) et ont grandi dans le même creuset culturel : la côte est des États-Unis, devenue le berceau de l’économie mondiale à la fin du 20e siècle.
L’historien Fernand Braudel a raconté comment l’histoire du capitalisme s’était déployée en quelques siècles autour de grands centres : Venise et Gênes à la Renaissance, Amsterdam et Rotterdam au 17e siècle, Manchester puis Londres au 18e siècle, Berlin et Vienne au 19e siècle, Boston et New York au début du 20e siècle. Les grandes innovations technologiques (navigation, machine à vapeur, électricité, moteur à essence, électricité, électronique) sont nées dans des lieux stratégiques, où se concentrent les richesses, les sciences, les arts et les techniques de pointe. Ce constat de l’histoire à grande échelle décentre l’histoire événementielle des génies créateurs vers les milieux d’innovation.
Pourquoi Manchester puis Londres furent-elles les berceaux de la première révolution industrielle (plutôt que Shanghai, Berlin ou Paris) ? Pourquoi l’industrie automobile s’est-elle installée à Détroit ? Pourquoi la Silicon Valley a-t-elle été le foyer de la microinformatique alors que Boston et le MIT étaient jusque-là le centre de gravité de l’innovation américaine ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? Depuis les travaux fondateurs d’Alfred Marshall (1842-1924) sur les « districts industriels », économistes, géographes, sociologues et historiens se sont intéressés aux raisons qui font le dynamisme de certaines régions 1.
L’optimisme high-tech
Les facteurs du succès sont multiples : ils peuvent tenir aux ressources naturelles (la présence de minerai de houille est bien sûr l’un des facteurs de décollage en Grande-Bretagne), à la localisation géographique (les centres de l’économie du monde – Venise, Amsterdam, Londres, New York, Shanghai – sont tous des ports), aux institutions (une combinaison heureuse de marchés et d’impulsions étatiques est nécessaire au dynamisme économique). La combinaison de ces éléments en un même territoire crée des dynamiques vertueuses.