Épicure (- 342/- 270)
L’ascétisme du plaisir
Le plaisir est le souverain bien. Cette affirmation a souvent été mal comprise. Non, les épicuriens ne défendent pas le libertinage… Car c’est une discipline exigeante que d’être heureux et de pouvoir goûter au bonheur sans nuage. Il faut d’abord chasser la crainte de la mort qui empoisonne notre existence en comprenant qu’elle n’est rien pour nous : « Quand nous sommes, la mort n’est pas là, et quand la mort est là, c’est nous qui ne sommes pas ! » (Lettre à Ménécée). Inutile également de craindre les dieux, qui sont indifférents et n’interviennent pas dans nos vies. Il est possible d’atteindre le bonheur et de supprimer la douleur à condition de pratiquer une hygiène exigeante des désirs, en distinguant ceux qui sont naturels et nécessaires des autres. Il convient donc de se contenter de l’essentiel et d’éliminer le superflu.
• Lettre à Ménécée, Flammarion, coll. « GF », 2009.
Aristote (- 383/- 322)
Pour une éthique de la vertu
La question de la vertu est au cœur de l’éthique aristotélicienne. Les vertus éthiques sont des dispositions acquises : c’est par l’exercice que nous les acquérons de même que c’est en jouant de la cithare que l’on devient joueur de cithare. La prudence (phronèsis) est chez Aristote cardinale puisque c’est précisément elle qui permet à l’homme de délibérer correctement sur ce qui est bon et avantageux et conduit à la vie heureuse. L’éthique d’Aristote s’oppose donc à l’idée d’une science morale. Elle est connaissance pratique. La science porte sur le nécessaire alors que l’éthique porte sur le contingent, ce qui peut être autrement qu’il n’est (sinon il n’y aurait guère de délibération et de choix).
À lire
• Éthique à Nicomaque, Vrin, 2007.
Spinoza (1632-1677)
Cultiver la joie
À mille lieues d’une morale du devoir, Spinoza propose une éthique de la joie. Et pour cause, le bien n’est pas une valeur surplombante à l’aune de laquelle nous jugerions la réalité. Scandaleusement, Spinoza affirme que la joie et la tristesse sont le critère ultime du bien et du mal. Pourquoi ? La joie pour Spinoza est l’augmentation de notre puissance d’agir, de ce qui fait la vie en nous. Or la vie est la puissance même de la nature. Et c’est bien en elle et par elle que nous existons. L’Éthique de Spinoza ouvre un chemin pour nous aider à réduire les passions tristes, celles qui diminuent notre puissance d’agir, et à cultiver les affects joyeux.
À lire
• Éthique, Seuil, coll. « Points », 2010.
David Hume (1711-1776)
Le sentiment moral
La morale est d’abord affaire de sentiment car la raison est moralement neutre. « Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt », affirme-t-il, non sans provocation, dans le Traité de la nature humaine. La raison n’a selon lui aucun pouvoir de volonté : elle distingue le vrai du faux, calcule, délibère sur les moyens mais ce n’est pas elle qui fixe les buts et les valeurs. Elle ne peut donc pas fonder la moralité ni motiver l’action morale. Le jugement moral provient des passions : nous éprouvons un sentiment positif ou négatif face à une action ou un événement qui nous conduit à le juger bon ou mauvais.