Trois questions à Ivan Sainsaulieu

Les infirmières, entre consensus et contestation

Chacun a eu un jour affaire à l’une d’entre elles. Elles sont 502 500 infirmières actives en France et représentent la première profession de santé. On sait aussi que la profession connaît ses difficultés : manque d’effectifs, conditions de travail difficiles, au point que certaines affirment être tombées dans la maltraitance faute de temps pour s’occuper de leurs patients…

Les raisons de se mobiliser ne manquent pas pour les infirmières. Pourtant, elles font rarement entendre leur voix. Certes, un collectif, Ni bonnes ni nonnes ni pigeonnes, né fin 2012 sur Facebook, compte 35 000 membres. Ils étaient 150 à manifester à Paris en mai dernier pour la journée internationale de l’infirmière ! Comment alors expliquer une contestation plutôt faible, pour un métier si difficile ?

C’est la question que pose le sociologue Ivan Sainsaulieu, auteur d’une récente étude sur la mobilisation collective à l’hôpital.

 

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Les manifestations d’infirmières sont peu fréquentes. Est-ce seulement à cause de l’obligation de service continu, qui les concerne plus qu’aucun autre groupe du service public ?

Ce n’est pas la seule raison. La plupart du temps, les infirmières se voient comme des individus (éventuellement des « superindividus ») plus que comme un collectif. C’est paradoxal car elles sont surchargées de travail et les logiques de coopération sont perçues comme du baume sur les plaies. Mais le collectif n’a rien d’évident : quand elles disent « nous », elles peuvent se référer à l’équipe du matin, du soir, au service, à l’ensemble des infirmières… Elles ont des modes d’appartenance collective variés.