Les lois de la beauté

La légende veut qu'une pomme d'or, sur laquelle était écrit « à la plus belle », devint l'objet de toutes les convoitises parmi les déesses de l'Olympe. Pâris, fils du roi de Troie, fut chargé par Zeus de choisir celle qui devait recevoir le précieux fruit. Il la remit à Aphrodite, plutôt qu'à Athéna ou à Héra. En remerciement, la déesse de l'Amour promit à son nouveau protégé l'amour de la plus belle des mortelles, Hélène, malencontreusement mariée au roi de Sparte, Ménélas... Ce fut donc pour la beauté d'une déesse et celle d'une mortelle que la guerre de Troie fut déclenchée.« La beauté, quand elle est sublime, nous ravage, nous submerge, met à mal nos défenses 11. » Fatale, ensorcelante, troublante, sulfureuse, elle inspire depuis des millénaires de grands récits historiques ou mythologiques, des contes de fées tel Peau d'Ane (celle-ci fuyant son père qui souhaite l'épouser, elle seule surpassant en beauté sa mère décédée), d'innombrables romans (comme Le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde), etc. La reine Cléopâtre serait-elle restée dans l'histoire sans sa légendaire beauté, entretenue à grand renfort de bains au lait d'ânesse ?

Plus proche de nous, la beauté est consacrée par la magie du cinéma. Marlene Dietrich, Ava Gardner, Rita Hayworth... Chacun de ces noms est synonyme de beauté, en tout cas la beauté telle qu'elle était représentée et imposée par Hollywood durant l'âge d'or, il y a cinquante ans. Remarquées pour leurs traits fins ou leurs formes généreuses, elles seraient probablement restées des starlettes anonymes s'il n'y avait eu leur talent, et surtout le bistouri, les régimes, les pinces à sourcils et autres outils d'embellissement. Depuis un demi-siècle, les icônes du septième art ont été remplacées par les stars du podium au panthéon de la beauté. Mais que ce soit pour les actrices des studios américains ou pour les mannequins des grandes agences, l'objectif reste le même : susciter l'attirance, l'émotion, l'envie face à la beauté, que celle-ci soit naturelle ou modifiée. Aujourd'hui, la banalisation de la chirurgie esthétique rappelle que l'exigence de beauté s'est démocratisée.