Céramiste, brasseur de bière ou boucher… Les histoires de cadres surdiplômés, troquant leur poste de trader contre un tablier de boulanger ou un ciseau à bois, sont à la mode. La sociologue Anne de Rugy vient de consacrer une thèse à ces bifurcations professionnelles volontairement descendantes en s’intéressant à un aspect très concret et peu exploré : la baisse substantielle du revenu de ces reconvertis. Celle-ci est réelle et systématique. Toutefois, ces professionnels ont en général des filets de sécurité : ils possèdent leur logement – ou profitent de leur départ pour en acquérir un dans une ville plus petite. S’ajoute souvent, aussi, le salaire du conjoint qui continue à assurer un revenu stable au couple. Les parcours de ces « convertis » sont ainsi loin de les plonger dans la pauvreté. Reste pour autant que ces baisses de revenus se traduisent par des changements importants de leur consommation. Fini les voyages à l’autre bout du monde ou les restaurants de luxe. Si cette baisse de la consommation n’est pas toujours politisée, elle est bien réelle et assumée. En refusant des postes à haut salaire pour des raisons de « valeur morale », ces reconvertis s’inscrivent ainsi très concrètement dans des dynamiques de décroissance.
Source : Anne de Rugy, « Changer de vie. Une étude sur les bifurcations descendantes et la critique des formes de vie », thèse de sociologie soutenue le 25 novembre 2021.