Margaret Mead, les adolescentes libres de Samoa (1901-1978)
Après une formation en psychologie et en anthropologie, Margaret Mead obtient en 1925 de son professeur, Franz Boas, une mission à Samoa pour y étudier le comportement des jeunes. La question de la « crise de l’adolescence », qui préoccupe tant les Américains, est au cœur de sa recherche. M. Mead passe neuf mois sur place à étudier la population de trois villages et s’intéresse aux adolescentes. De retour aux États-Unis, elle publie, en 1928, Coming of Age in Samoa (Adolescence à Samoa). Le livre connaît immédiatement un succès considérable : en deux ans, il est réimprimé cinq fois. Il est vivant, d’un accès aisé, malgré la densité de son contenu. La conclusion à laquelle elle parvient est celle qu’espérait F. Boas : une jeune Samoane est fort différente de ses consœurs américaines. Son adolescence n’est « en aucune façon une période de crise et de tension », mais « la meilleure période de sa vie » : elle a peu de responsabilités et les « rencontres sous le palmier » entre adolescents des deux sexes sont monnaie courante. Cette différence est attribuée à la spécificité des cultures, responsables de former des personnalités différentes. À Samoa, les enfants ne sont pas soumis à une pression pour mûrir plus vite, ils se trouvent face à des choix restreints, et la société est tolérante en matière de sexualité et de religion.
Polémique post mortem
Après un début aussi prometteur, M. Mead poursuit une carrière marquée par de nombreuses publications, jalonnée d’honneurs. Elle disparaît en 1978, avant qu’éclate une polémique : un anthropologue australien, Derek Freeman, publie en 1983 un ouvrage dans lequel il critique sévèrement Adolescence à Samoa. La liberté sexuelle ? Les Samoans sont l’un des peuples les plus obsédés par la virginité : les frères « surveillent activement les allées et venues de leurs sœurs » ; les jeunes hommes sont hantés par le fantasme de violer une vierge. Les mœurs douces, l’absence de passion et de violence ? D. Freeman cite des chiffres montrant que le taux de délinquance des adolescents est élevé. Les défenseurs de M. Mead montent au créneau. Ils dénoncent les négligences malhonnêtes de D. Freeman : ses statistiques sur la délinquance concernent une autre région de Samoa, et une autre époque. Rien ne prouve que ses informateurs aient été plus sincères que ceux de M. Mead.