Pourquoi l’Occident a-t-il été en mesure d’imposer sa domination au reste du monde du XVe au XXe siècle ? Parmi les auteurs ayant tenté de répondre à cette question, nous avons retenu un nom, David Cosandey, et un titre : Le Secret de l’Occident. L’auteur se distingue par sa formation : « docteur en physique théorique ». En préface à la seconde édition de cet ouvrage, l’historien Christophe Brun estime que Le Secret de l’Occident « est sans doute d’un apport intellectuel aussi décisif que son auteur est un trou noir institutionnel. David Cosandey se singularise en effet par sa non-appartenance au champ académique des principales disciplines dont il absorbe les rayonnements : l’histoire, la géographie, l’économie, la sociologie. » Quel serait donc ce secret du succès de l’Occident ?
Il existe nombre de livres tentant d’analyser les raisons qui ont permis à l’Occident d’étendre sa domination au reste du monde. Votre théorie combine des facteurs explicatifs d’ordre géographique, économique et politique. Pouvez-vous la résumer ?
On peut dire brièvement qu’elle comprend deux niveaux. Le premier associe le politique et l’économique. J’affirme qu’à chaque fois que vous avez dans une civilisation plusieurs États en présence pendant une durée assez longue, ce que j’appelle « une division politique stable », et en même temps un essor important de l’économie, vous avez progrès scientifique. Je constate que cette hypothèse se vérifie pour toutes les civilisations, et à toutes les époques.
Vous avez ensuite un niveau géographique, sous-jacent au précédent. Il entend expliquer pourquoi des États stables et en rivalité entre eux se sont rencontrés davantage dans certaines régions du monde, en Grèce au Ier millénaire avant notre ère, puis en Europe occidentale au IIe millénaire, et aujourd’hui dans le monde entier.
Qu’entendez-vous par niveau géographique ?
Pour prendre l’époque du IIe millénaire de notre ère, celle qui voit le « miracle européen » (1), le niveau géographique de ma théorie avance qu’une division politique stable et un essor économique avaient plus de chances de se rencontrer en Europe occidentale. Ceci parce que cette région bénéficie d’une meilleure interpénétration des mers et des terres, de par sa configuration littorale, qui est la plus compliquée, la plus « articulée » du monde, avec les mers Méditerranée et Baltique – et cela se mesure mathématiquement.
Votre théorie avance donc qu’un contexte d’États rivaux et d’essor économique est à même d’engendrer des avancées technologiques ?
Prospérité et division politique stable favorisent le progrès scientifique, et c’est là un mécanisme essentiel. Pour le comprendre, il faut envisager la science dans son environnement naturel, la société, dont on la sépare trop souvent. Tous les développements scientifiques demandent des moyens financiers. L’image naïve du savant héroïque dans sa tour d’ivoire n’a que peu de rapports avec la réalité. Pour qu’il y ait progrès des connaissances, il faut qu’il y ait des gens payés pour se consacrer à la science. Cela exige qu’il y ait un surplus dans la société.