Les vacances, plaisir exigé

Les vacances, une parenthèse enchantée ? Oui, mais attention : 
derrière cet hymne à la liberté se cachent de puissantes normes sociales. Un bonheur très codifié…

Les vacances, et particulièrement sous la forme du voyage, représentent désormais l’une des figures privilégiées du bonheur (aux côtés bien sûr de la famille et de la maison). En témoignent les aspirations à partir et les usages publicitaires et marchands de cette envie d’ailleurs. Une figure contemporaine du bonheur a pris forme et sens, offrant un éventail d’images, plus ou moins stéréotypées, et de destinations ou séjours possibles, quoique très inégalement accessibles.

Ce bonheur projeté dans les vacances ne réside pas seulement dans la perspective plus ou moins réaliste de son avènement car, en réalité, « la promesse de bonheur est déjà bonheur 1 ». Croire en des jours meilleurs et les attendre (ces voyages dont on se dit qu’un jour, c’est certain, on les fera), c’est s’affranchir en pensée du quotidien ou de sa condition afin, comme l’écrivait Roland Barthes à propos des mythes, « d’évacuer le réel ». Invitations au départ et au voyage ouvrent une brèche dans nos existences, tracent, sur fond d’exotisme et d’altérité choisie, un horizon temporel et une alternative à la banalité et à la répétitivité du quotidien. Dans cette perspective, le bonheur des vacances remplit une fonction d’antidote, voire d’insoumission au présent, qui aide à surmonter les épreuves vécues ici-bas et, ce faisant, à se réapproprier son destin.