Les vrais ressorts de la motivation

La motivation au travail n’a pas disparu, ce sont ses ressorts qui ont évolué. Les gratifications financières perdent de leur pertinence au profit d’une quête de reconnaissance de ses compétences et de réalisation personnelle.
Les processus psychologiques qui créent traditionnellement la motivation au travail semblent avoir perdu leur efficacité. Et stimuler la motivation est devenu l’une des préoccupations majeures des cadres et des spécialistes de ressources humaines. L’explication la plus souvent invoquée pour expliquer ce changement est que la population active a évolué et le travail perdu sa « centralité » dans l’échelle des valeurs. De fait, la moitié des personnes interrogées par Les Échos en 2005 ont dit qu’elles cesseraient volontiers de travailler si on leur garantissait leur revenu actuel. Mais la situation est plus complexe et plus diversifiée que ce constat pourrait le faire penser.

 

 

Mobiliser les sources de motivation interne

Il se trouve encore, et nous en avons tous rencontrés, beaucoup de gens dévoués et des bénévoles, de plus en plus nombreux, qui sont certainement motivés. Ce n’est donc pas la nature humaine qui a changé, c’est le travail, son contenu, les rôles qu’il suppose, les compétences qu’il demande, les carrières qu’il implique… Il faut se rendre à l’évidence : ce sont les bouleversements actuels du monde du travail qui diversifient les sources de motivation. Les progrès technologiques, les NTIC, la mondialisation de l’économie forcent à repenser les processus psychologiques qui construisent la motivation.

Pour mieux la comprendre, il faut analyser les mécanismes traditionnels de la motivation au travail. Pendant des décennies, on a géré la motivation par un échange entre le travail accompli et les récompenses. Frederick Taylor l’avait très bien expliqué : pour motiver un ouvrier à adopter une méthode de travail plus efficace, il suffisait, pensait-il, de lui promettre un « petit » avantage financier. Ce qui suppose une motivation fondée sur les récompenses externes, c’est-à-dire sur un échange entre le travail accompli et un avantage matériel. Mais gérer des récompenses externes devient de plus en plus difficile dans le monde du travail actuel pour toutes sortes de raisons. Ainsi, mesurer objectivement le mérite individuel n’est pas possible chaque fois que le travail se fait en équipe. Et l’évaluation est subjective pour les métiers de service, alors qu’ils constituent actuellement la majorité des emplois dans les pays développés. Or le recours à des évaluations subjectives est toujours contestable. On en connaît bien les imperfections : l’accord entre les notateurs est faible, la prudence les pousse à utiliser des notes moyennes, les notes sont stables d’une année à l’autre et souvent régies par des contraintes négociées… Même si la récompense financière reste centrale, si la majorité des travailleurs accordent une grande importance aux salaires, primes et autres avantages, sa base n’est plus toujours opérationnelle. À cela s’ajoute une évolution profonde des conditions de travail qui contribue à faire perdre le sentiment d’être compétent et de jouer un rôle bien identifié et valorisant dans l’activité économique. Dans le travail en équipe, il devient en effet, plus difficile d’identifier la valeur de sa contribution ; la hiérarchie connaît mal le détail des compétences de ses subordonnés ; le travail fait moins appel aux connaissances individuelles et plus aux ressources informatiques, moins aux habiletés manuelles développées par l’apprentissage et plus au fonctionnement cognitif. « L’orgueil » de son métier et de son savoir-faire, fondé sur une réalisation identifiable par soi et par les autres, se fait ainsi de plus en plus rare.