Liberté de procréation : une révolution inachevée

Libération sexuelle, investissement professionnel, maternités choisies..., les Françaises ont su tirer parti de la contraception. Ces avancées ne semblent pourtant guère avoir modifié les clivages entre les deux sexes. Le partage égal des tâches n'est toujours pas au goût du jour.

Par la légalisation de la contraception moderne (1967) et la dépénalisation de l'avortement (1975), les femmes ont acquis formellement la possibilité de refuser une maternité dont elles ne veulent pas, les libérant d'un destin ancré dans le déterminisme biologique de la maternité. Ces progrès ont-ils pour autant permis d'établir une véritable égalité sociale entre les hommes et les femmes ?

« Un enfant si je veux, quand je veux. » Cette formulation héritée des luttes féministes a souvent été interprétée dans le sens de la reconnaissance d'un « pouvoir exorbitant » donné aux femmes 1 puisque avec la possibilité de recourir à l'IVG (interruption volontaire de grossesse) en cas de grossesse non désirée, les femmes peuvent en effet empêcher l'accès de leur partenaire à la paternité. Il leur serait aujourd'hui loisible, dans la ligne préconisée par Simone de Beauvoir, de refuser « l'esclavage de la maternité » ou, grâce à leur autonomie de salariées, de s'affranchir du cadre familial en décidant de faire un enfant sans le soutien d'un homme.

Or il n'en est rien. Les femmes continuent à faire des enfants et elles ne font pas ces enfants « contre les hommes », pour elles seules. Le modèle de la famille nucléaire reste le modèle de référence, très rares sont celles qui envisagent une maternité sans conjoint, c'est-à-dire sans père. L'une des raisons principales du recours à l'IVG est d'ailleurs le refus de paternité du partenaire ou son absence 2.

Cette nouvelle liberté, malgré son caractère potentiellement subversif, n'a pas véritablement ébranlé les fondements d'une division millénaire du travail entre les sexes, n'en proposant qu'un avatar, plus en accord avec les aspirations égalitaristes et individualistes de notre société. Elle a cependant contribué à redéfinir l'identité féminine en permettant le passage du modèle d'un « destin d'abord maternel » à un modèle beaucoup plus diversifié, incluant l'épanouissement sexuel et l'investissement professionnel, sans pour autant faire perdre à la maternité son caractère déterminant.

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Révolution contraceptive = révolution sexuelle

En libérant les femmes de l'angoisse de la grossesse non souhaitée et en permettant une dissociation totale entre l'acte sexuel et la procréation, la contraception moderne représente une véritable révolution dans la manière dont les femmes peuvent envisager de vivre leur sexualité, à égalité avec les hommes. La disparition du spectre des grossesses non désirées a profondément modifié les scénarios sexuels, favorisant la prise en compte du plaisir et du désir féminins.

L'évolution des pratiques et représentations sexuelles rend compte de l'ampleur et de la nature des transformations. Qu'il s'agisse du nombre de partenaires, des pratiques sexuelles, de l'infidélité ou bien encore de l'orgasme et de la satisfaction sexuelle, alors que les déclarations des hommes montrent d'infimes changements entre 1970 et 1992, les réponses des femmes attestent du chemin parcouru 3.