Le livre s’ouvre sur le récit de l’annonce d’une réorganisation des tournées aux équipes de facteurs de la commune fictive de Nanteuil. Le sociologue Nicolas Jounin a été un des leurs pendant cinq semaines. Il a aussi mené des entretiens avec des facteurs et des responsables de la direction. Le point de départ de son enquête prend la forme d’une simple question : comment La Poste a-t-elle bien pu mesurer que sa tournée, la sienne, devrait durer 3 heures, 43 minutes et 59 secondes ?
La réponse à cette interrogation, livrée de manière pédagogique et simple, fourmille d’anecdotes de terrain. Au fil des pages, l’auteur découvre que La Poste a fixé ces cadences sans jamais avoir étudié les vrais gestes des facteurs, en ayant recours à un ordinateur pour calculer les temps de tournées sur des données complètement théoriques. Le tout dans le but de réduire des effectifs, bien entendu.
L’auteur voit dans les réformes néolibérales qui ont cherché à transformer La Poste depuis le début des années 1990 une application du scientific management prôné par Frederick Taylor, père du « taylorisme », avec lequel il se livre à des dialogues fictifs à plusieurs reprises au cours de l’ouvrage. Mais c’est surtout dans la description des tournées et dans les dialogues rapportés entre facteurs qu’on perçoit le mieux les effets délétères de l’intensification du travail, et l’intérêt de la démarche ethnographique proposée ici par N. Jounin.