La marquise de Sévigné n’a laissé ni pensées, ni maximes, ni roman, ni pièce de théâtre. Sa pensée tient tout entière dans la correspondance qu’elle a entretenue avec ses contemporains et sa famille, en particulier avec son cousin Roger de Bussy-Rabutin (l’auteur d’Histoire amoureuse des Gaules, 1666), et surtout avec sa fille, Françoise de Grignan. Le millier de missives qui nous reste d’elle, s’il est indispensable pour comprendre le Grand Siècle, est surtout l’occasion de percer à jour un esprit et un cœur du 17e siècle.

Lue, étudiée, érigée en modèle de style depuis bientôt trois cents ans, elle est une écrivaine sans le savoir, inconsciente de la diffusion posthume de sa correspondance. Elle est aussi philosophe sans le savoir. Elle dispense, au fil de ses lettres, sa vision du monde, ses conceptions sur la providence, l’amitié, la vieillesse et la mort, au point qu’on peut, encore aujourd’hui, se « mettre à l’école de Mme de Sévigné 1 ».
Belle, spirituelle, recherchée et admirée
Marie de Rabutin-Chantal naît en 1626, douze ans avant le futur Roi-Soleil. Très tôt orpheline, mais entourée d’une famille aussi aimante qu’intelligente, elle vit une enfance heureuse. Son éducation, libre et joyeuse, est faite de lectures, de conversations et de maîtres. Les romans et les livres sérieux lui donnent l’imagination, le goût du beau style, l’instruction de l’esprit et la correction des mœurs. La conversation exerce tôt son esprit vif, et ses maîtres lui assurent les bases historiques, géographiques et astronomiques pour comprendre le monde.