Manger sain, injonction contemporaine

Pourquoi manger sain est-il devenu un enjeu de société ? Au-delà de son rôle vital, l’alimentation révèle aussi la manière dont nous formons une société.

Manger sain est une injonction contemporaine chez les consommateurs, dans la presse et de façon plus contrastée dans le discours des acteurs de la filière alimentaire. La transition épidémiologique, c’est-à-dire le passage des épidémies et des famines aux maladies dégénératives (cardiopathie et cancer) comme cause principale de mortalité, a fait basculer l’aliment dans l’ordre de la prévention. Certains aliments censés protéger contre des maladies ou entretenir la forme physique sont parés de toutes les qualités. Certains autres sont pointés du doigt et délaissés des consommateurs. À la faveur de la publication d’une méta-analyse du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), la viande a fait l’actualité récente. La santé s’agrégeant à d’autres critiques relatives à la cause animale et à l’impact environnemental de sa production, elle s’est retrouvée mise à l’index. Les produits bios sont l’objet d’un phénomène symétriquement inversé au terme duquel ils apparaissent « naturellement » sains. Si l’importance accordée à la santé via l’alimentation semble claire à la lecture de la presse, l’analyse des consommations dresse un tableau plus nuancé. Derrière les enjeux médicaux et nutritionnels de l’alimentation s’affirment aussi les dimensions politiques et la question du vivre-ensemble.

Un levier de la santé

La médicalisation de l’alimentation substitue aux raisons traditionnelles ou symboliques sur lesquelles s’articulent les décisions alimentaires des raisons d’ordre médical. La transition épidémiologique (et les maladies qui l’accompagnent : cancers, cardiopathies, Alzheimer…) a fait changer le statut de l’aliment. Lorsque dans une société traditionnelle, on meurt de maladies infectieuses et de famine et que la malnutrition constitue un facteur d’aggravation du risque infectieux, l’aliment est inscrit dans l’ordre de la quantité et d’une temporalité à court terme. L’important est d’avoir assez à manger au quotidien.