L’excrément est une composante inéluctable du cycle de la vie. Car toute existence se maintient en dégradant de l’énergie, transformant pour ce faire de la matière en déchets. David Waltner-Toews, vétérinaire passionné de scarabées coprophages, est intarissable sur ce sujet. Il y perçoit un condensé des problèmes écologiques qui menacent les plus de sept milliards d’humains que nous sommes sur cette Terre. Caca, crottin, selle, biosolide… « Ce qui place la merde parmi le plus pernicieux des problèmes, c’est que, malgré son incidence sur l’écologie et la santé publique, nous ne disposons pas même d’un bon langage commun pour en parler. » En conséquence, il faut évacuer.
Un engrenage vicieux
Un exemple emblématique : la planète connaît aujourd’hui une forte hausse de la demande de volailles, et l’élevage industriel est présenté comme la seule façon de produire suffisamment de viande pour tout le monde à bas prix. Mais concentrer l’élevage des poulets, c’est s’interdire de traiter les déchets qui en résultent. Pour partie, le lisier est stocké en « gigantesques tas d’excréments localisés », potentiel réservoir à virus, ou déversé clandestinement dans les cours d’eau, agent pathogène en puissance ; pour le reste, il est épandu… Mais il est bourré d’antibiotiques, qui détruisent la biodiversité du sol. Ce dernier, privé de ses capacités de régénération, doit être amendé par la pétrochimie. Un engrenage vicieux au possible, intenable au long terme, faute de prendre en compte la complexité du problème. L’auteur montre que la civilisation urbaine s’est bâtie sur la lutte contre les germes qui se nichent dans les déjections des humains ou du bétail, notamment par le compostage – les microorganismes présents dans un tas de compost bien conçu ont la faculté de détruire l’essentiel des germes pathogènes. L’archéologie détecte les premières traces de cette guerre à la contamination dans les cités de la vallée de l’Indus d’il y a 4 000 ans, avec leurs égouts et même leurs chasses d’eau !