Mers et océans, des espaces sous tensions

Enjeux de luttes économiques et politiques, les mers et océans sont essentiels pour la vie humaine. Mais à qui l’espace maritime appartient-il et qui le protège ? Quelles ressources fournit-il ? Quels sont les lieux de tensions ? Et quelle place la France y tient-elle ?

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Économie : une « croissance bleue » ?

On évoque fréquemment la « croissance bleue » pour désigner le développement des activités économiques et humaines en mer. L’espace maritime génère trois types d’activités économiques : l’extraction des ressources et la production d’énergie ; le transport et les communications ; le tourisme (croisières, plaisance).

La mer est avant tout nourricière. Le poisson représente 17 % des protéines animales ingérées par l’homme (parfois plus de 50 % dans certains pays en développement). Mais elle est aussi une source… d’eau douce. Le procédé d’osmose inverse (filtration) s’est imposé au début des années 2000 et permet d’obtenir 1 m3 d’eau douce pour 3 m3 d’eau de mer. Mais il reste cher et est à ce stade surtout utilisé par les pays pétroliers du Moyen-Orient.

Les captures issues de la pêche marine plafonnent depuis la fin du siècle dernier autour de 85 millions de tonnes par an, alors que la pêche continentale a doublé pour atteindre 16 millions de tonnes. En revanche, l’aquaculture (élevage) connaît un boom spectaculaire, notamment en Asie : 31 millions de tonnes par an en 2018 pour les cultures marines, notamment mollusques. Au total, pêche et aquaculture marines représentent environ 115 millions de tonnes, le double de l’activité continentale équivalente.

La mer est source d’énergie. Les gisements offshore (désormais jusqu’à 3 000 mètres de profondeur) représentent aujourd’hui 30 % de la production de pétrole et presque autant de celle de gaz. Les sols marins fournissent des minerais et des terres rares encore peu exploités. À l’extraction s’ajoute le recours aux modes renouvelables : éoliennes, courants, vagues et marées, énergie thermique (expérimental), biomasse (microalgues)… Les océans sont également une source quasiment inépuisable d’hydrogène.

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Deux grandes voies du commerce maritime existent aujourd’hui : les échanges transpacifiques et Asie-Europe – ce qui explique que les détroits de Malacca et du Pas-de-Calais soient les plus fréquentés au monde. Les hydrocarbures sont également transportés, sous les mers, par des oléoducs et gazoducs. Enfin, des câbles sous-marins, dont le nombre (environ 300 aujourd’hui) et la robustesse se développent, assurent le trafic de données.

L’importance croissante des mers et des océans ne fait guère de doute. Près de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui à moins de 100 km des côtes, et 20 % à moins de 30 km ; les mégalopoles côtières se développent rapidement. La mer pourrait même devenir un lieu de vie avec de véritables villes en mer. La consommation de produits aquatiques croît de plus de 3 % par an depuis cinquante ans. C’est le double de la croissance démographique, et cette consommation augmente donc aussi par habitant : de moins de 10 kg par an dans les années 1950, elle est passée à plus de 20 kg – avec de fortes inégalités selon les pays. Les porte-conteneurs, véritables révolutions, ont permis une croissance rapide du commerce maritime, de l’ordre de 4 % par an. Ce commerce représentait 2,5 milliards de tonnes en 1970, 10,7 milliards de tonnes en 2018, et sera sans doute de l’ordre de 14 milliards en 2025 sauf tournant radical dans la mondialisation. La Chine investit massivement dans les « routes maritimes de la Soie ». La part du pétrole offshore dans la production mondiale a elle aussi crû très rapidement (11 % en 1960, 28 % en 2020), même si elle semble désormais en réduction. En revanche, les câbles sous-marins représentent aujourd’hui 99 % du trafic de données. Ainsi a-t-on pu parler de « maritimisation de la mondialisation ». 

Un espace fragile

Les mers et les océans représentent 72 % de la surface terrestre, 363 millions de km2, 96 % de l’eau sur terre. L’océan est le principal « puits de carbone », qui absorbe le CO2 par dissolution du gaz (90 %) et absorption par les organismes (10 %) ; le phytoplancton marin produit ainsi plus de la moitié de l’oxygène terrestre. La biodiversité de l’océan est encore mal connue : seulement 16 % (soit 243 000) des espèces désignées sont marines, mais il y en a encore beaucoup à découvrir. 80 % des fonds marins restent à explorer.

Reste un défi de taille : qu’une attention plus importante soit consacrée à sa protection. Si les problèmes de dégazages et de marées noires sont connus depuis longtemps, l’attention s’est portée plus récemment sur la question des déchets. Il n’y a pas de « continent de plastique » dans le Pacifique, mais plusieurs zones océaniques dans lesquelles les déchets de grande taille s’accumulent. Le problème essentiel pour l’environnement et la biodiversité est bien davantage le volume de résidus de plastiques, issus par exemple des textiles, que l’on trouve dans les océans, y compris sur les fonds marins. Par ailleurs, la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime que près d’un tiers des stocks d’espèces halieutiques est en surexploitation.