Le titre sonne comme une provocation. A ceux qui se demandent si nous sommes post- ou hypermodernes, Bruno Latour oppose un constat cinglant qui fait l’effet d’une douche froide : nous n’avons jamais été modernes. Selon lui, la modernité repose sur la séparation entre, d’un côté, l’inhumanité de la science et, de l’autre, l’humanité du social. La science tente de percer les énigmes d’une nature qui est déjà là indépendamment de nous. Les hommes construisent la société et sont maîtres de leur destin. Ce premier grand partage entre la nature et la société en explique un autre : celui qui oppose les autres cultures et la nôtre. « Eux », qu’il s’agisse des Achuars ou des Azandés, des Chinois ou des Amérindiens, ne sont pas modernes comme « nous » parce qu’ils n’ont pas su séparer la connaissance de la société. Ils ne sont pas parvenus à la connaissance scientifique qui permet d’accéder aux choses mêmes. Leurs savoirs ne sont que des ethnosciences, dépendant de leurs croyances religieuses, de leur organisation sociale, de leurs rites, de leur économie…
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Le clash des idées - 20 livres qui ont changé notre vision du monde
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