«Oui, les Lumières triomphent !» Rencontre avec Steven Pinker

L’humanité se porte mieux que jamais : statistiques à l’appui, Steven Pinker estime que les idéaux des Lumières ne cessent de progresser à travers la planète, malgré les aléas du populisme.

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Rose Lincoln/Harvard/Wikimedia Commons

> Steven Pinker

Linguiste et professeur de psychologie à l’Université de Harvard, il est une grande figure de la psychologie évolutionniste. Il a notamment publié L’Instinct du langage (Odile Jacob, 1994), et La Part d’ange en nous. Histoire de la violence et de son déclin (Les Arènes, 2017), dans lequel il démontre que contrairement aux apparences, l’humanité n’avait jamais connu une telle ère de paix et de progrès. Il approfondit cette idée dans Le Triomphe des Lumières. Pourquoi il faut défendre la raison, la science et l’humanisme (Les Arènes, 2018).


Dans votre précédent livre, La Part d’ange en nous, vous expliquiez qu’en dépit de l’image qu’en donnent les médias, l’humanité n’a jamais été à ce point en sécurité, ni si favorisée. Mais dans Le Triomphe des Lumières, vous écrivez que rien n’est acquis et que l’humanisme est menacé. En quoi l’est-il, de nos jours ?

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Certainement par la montée du populisme nationaliste autoritaire. C’est flagrant aux États-Unis avec Donald Trump, mais aussi avec les mouvements populistes européens comme en Hongrie, en Russie, en Turquie. De nombreux idéaux des Lumières s’y voient répudiés : par exemple les organisations impliquées dans la coopération internationale, l’importance du bien-être de toute l’humanité plutôt que la célébration de la nation, l’espoir que grâce à la raison et à la science nous puissions préparer un meilleur avenir plutôt que de regarder en arrière vers un âge d’or. Il est question de valoriser des groupes ethniques particuliers associés à une nation plutôt que l’humanité dans sa globalité… On conteste même des institutions comme la démocratie, conçue comme le moyen de donner temporairement des pouvoirs limités à un gardien ou un superviseur plutôt qu’à un leader charismatique incarnant la sagesse et les vertus d’un peuple. La philosophie du populisme autoritaire est tout à fait contraire aux valeurs des Lumières, dont je prétends qu’elles sont responsables de la plupart des progrès dont nous bénéficions. Et pas simplement le déclin des guerres, un des points sur lesquels je me suis concentré dans La Part d’ange en nous, mais d’autres avancées du bien-être comme la prospérité, la santé, l’allongement de la durée de vie, l’éducation, la qualité de vie, l’égalité des droits. La différence entre La Part d’ange en nous et Le Triomphe des Lumières, c’est que ce dernier s’intéresse à d’autres variables, plus seulement la violence, mais tous les aspects du bien-être. Je cherche à expliquer les changements, les améliorations apportées par les idées propres aux Lumières.