Marienthal, le terrain préliminaire
Les Chômeurs de Marienthal (1932) est l’une des premières enquêtes du genre menées en Europe. Marienthal est un village proche de Vienne. Le bourg avait été construit autour d’une usine de filature qui donnait du travail à la plupart des familles. Mais, en 1929, l’usine ferme et une grande partie de la population se retrouve au chômage. L’enquête menée par Paul Lazarsfeld, assisté de Marie Jahoda et Hans Zeisel, vise à dresser un tableau complet de la vie de ces chômeurs. Pour cela, les chercheurs recueillent le maximum de données : quantitatives (budget des familles, composition des repas, participation aux associations, etc.) et qualitatives (récit de vie, observation participante, interviews).
On découvre ainsi la misère qui s’est abattue sur la plupart des 1 500 habitants du bourg. Le chômage est quasi général, et les « trois quarts des foyers dépendent pour leur existence matérielle du versement des allocations de chômage ». Peu à peu, c’est toute la vie sociale qui décline. La fréquentation de la bibliothèque a baissé. Les associations, si actives naguère, rétrécissent leur activité. Loin de déclencher un mouvement collectif ou une organisation nouvelle de la vie, le chômage conduit à l’abandon de toute activité sociale et militante. Au total, le croisement des données conduit au constat suivant : les chômeurs ont sombré dans l’apathie, la résignation, ou même dans le désespoir pour certains. Ceux qui voulaient changer leur sort ont migré vers une autre région ou un autre pays. De ce fait, la capacité de résistance des habitants de Marienthal est durablement affectée.