Pessimistes mais heureux

La crise frappe très durement certains, en épargne d’autres. 
Si les Français paraissent pessimistes face à la situation du pays, 
ils se déclarent en revanche heureux en famille et au travail.


Nous sommes frappés par la crise, mais l’intensité du choc n’est absolument pas la même pour tous. En Europe, certains pays sont en dépression, d’autres en récession. Quelle est la différence ? « La récession, c’est quand votre voisin perd son job. La dépression, c’est quand vous perdez le vôtre. »Le bon mot du président américain Harry Truman mettait le doigt sur un phénomène essentiel : la crise est un mot vague et douteux qui cache des situations très différentes.

La Grèce connaît depuis 2009, une « grande dépression », une contraction brutale de l’activité comparable à celle de l’Amérique des années 1930 : un quart de la population active au chômage, 30 % de baisse des salaires des fonctionnaires… Autre chose est la « récession », une stagnation ou baisse modérée de l’activité pendant quelques trimestres. En France, la machine tourne au ralenti, mais elle tourne. Le chômage augmente mais reste contenu dans la fourchette des 10 %, les revenus stagnent mais ne régressent pas en moyenne.

 

Crise, précarité, pauvreté…

À l’échelle des régions, le choc de la crise se manifeste très différemment, comme le montre le sociologue Laurent Davezies dans La crise qui vient 1. Il divise la France (métropolitaine  ; il ne parle nulle part des Dom-Tom) en quatre territoires : une France marchande qui gagne (celle des grandes villes comme Paris, Lyon, Bordeaux), une France marchande en difficulté (celles des villes industrielles du Nord), une France non marchande qui s’en sort grâce au soutien de l’État (de nombreuses petites villes où les services publics sont devenus les principaux employeurs), enfin certaines régions de la France rurale à la fois coupée du marché et de l’État providence. À ce fractionnement géographique peuvent s’ajouter des différences majeures selon les situations sociales et personnelles.