Petit traité de manipulation à l'usage des professeurs et des formateurs

Comment contourner la résistance des élèves à se mettre au travail et à respecter les règles ? Pour cela, les enseignants emploient souvent des ruses éducatives qui, lorsqu’elles sont bienveillantes, permettent de désamorcer les conflits et de susciter la motivation.

Immorale la ruse ? Oui quand elle est synonyme d’escroquerie, d’imposture, de perfidie. Non quand il s’agit de contourner habilement les caprices d’un jeune enfant, en le priant par exemple de s’asseoir sur « la chaise qui rend gentil ». Comme les parents, les enseignants doivent gérer des enfants et des adolescents dont l’un des grands bonheurs consiste à entrer en résistance contre le savoir ou contre l’adulte. L’excellence didactique est certes une réponse pertinente à la résistance. Mais elle se révèle souvent inopérante quand l’enjeu délibéré de la relation éducative est pour l’élève d’esquiver le travail ou de saper le pouvoir de l’enseignant.

La ruse présente l’avantage de déverrouiller des situations conflictuelles sans utiliser l’autorité. Elle contribue également à changer le regard des élèves sur le travail scolaire et à stimuler leur motivation en inventant des solutions pédagogiques originales et inattendues. On parlera dans ce cas de ruses bienveillantes. C’est-à-dire de stratégies dont on voile délibérément la finalité et qui ne visent pas à flouer l’enfant mais se mettent au contraire au service de sa formation et de son développement. Si la ruse apparaît bien comme un outil pédagogique adapté aux situations où l’apprenant résiste, il faut souligner qu’elle suppose le respect de principes éthiques. La limitation de l’emprise de l’adulte d’une part, car la manipulation du désir de l’enfant doit rester homéopathique et il est essentiel d’agir en lui garantissant un espace de liberté ; la rareté d’utilisation d’autre part : la ruse ne saurait en effet être une technique permanente et la transparence de la communication reste primordiale dans la relation éducative.

Pour de nombreux enseignants cependant, la ruse est indigne parce que perçue comme déloyale et sournoise. Ce rejet s’appuie sur l’idée que la transmission du savoir est une mission trop noble pour s’abaisser à une pratique aussi « vulgaire » que cet art du trompe-l’œil. Et partant, qui pourrait affirmer ne jamais faire semblant ?

Fondées sur l’usage de l’intelligence, le sens de l’opportunité, l’inventivité, les ruses éducatives se forgent bien souvent par la réflexion et l’expérience. À l’école, en apprentissage ou en formation d’adultes, elles constituent une sorte de sac à malice pédagogique. Cet article propose d’en donner quelques illustrations et d’en analyser quelques mécanismes.

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