C’est le rêve de toute pensée libertaire : celui d’une famille, d’une société, d’une cité « sans autorité ni sanction ». Mai 68, dit-on, en avait fait son idéal, mais le sentiment qui domine aujourd’hui est plutôt celui d’une crise de l’autorité : on la repère dans la famille, qui a vu l’avènement triomphal de l’enfant-roi contre la puissance paternelle ; on la voit à l’école, où l’admiration muette pour la culture et le maître s’est effacée ; et on l’identifie dans la cité, qui a vu la capacité à gouverner se réduire comme peau de chagrin. Alors, est-ce la fin de l’autorité ? Au moins une raison permet d’en douter : on n’a jamais autant parlé de l’autorité que depuis qu’elle est en crise. Ce qui permet d’explorer cette autre piste : celle d’une reconfiguration en cours.
Pour tenter de le suggérer, il faut d’abord distinguer l’autorité du pouvoir, ne serait-ce que parce qu’il peut y avoir du pouvoir sans autorité – l’autoritarisme du petit chef – et de l’autorité sans pouvoir – la sérénité du vieux sage. L’autorité se distingue aussi de la contrainte par la force, qu’elle permet d’éviter, et de l’argumentation rationnelle, qu’elle dépasse. L’autorité n’a besoin ni d’imposer ni de justifier. L’étymologie du terme est connue : le mot vient du latin augere qui signifie augmenter. L’autorité est donc une opération étrange qui donne du pouvoir à un individu – le petit chef devient alors un grand homme. D’où peut provenir cette augmentation ?
Les sources anciennes de l’autorité
Elle semble devoir émaner d’une instance supérieure au pouvoir lui-même, qui justifierait que l’on fasse confiance – parfois aveuglément – à celui qui le détient. Des sources de ce type, on peut en repérer trois principales dans l’histoire de la culture humaine : le passé, la nature, le divin.