Philippe Moreau Defarges « Nous sommes condamnés à inventer une nouvelle forme de paix »

Votre livre, Une histoire mondiale de la paix, s’ouvre sur un constat : il n’a existé de paix que dans les empires… La paix ne pourrait donc venir que d’une puissance supérieure, qui impose sa volonté ?

Jusqu’au 20e siècle, force est de constater que la paix par l’empire a été la plus réaliste. L’Empire romain a ainsi été une zone de paix pendant un certain temps. La difficulté, c’est que la puissance s’efforce de satisfaire ceux qu’elle domine. Sous l’Empire romain, il existe une tension constante d’un côté entre la volonté de Rome d’affirmer sa force, et de l’autre l’obligation de faire des concessions à ses ressortissants, notamment en leur octroyant peu à peu le droit de citoyenneté. Ce droit s’élargit constamment tout au long de l’histoire de Rome. La citoyenneté est d’abord réservée aux habitants de l’Urbs, puis élargie aux peuples italiques, jusqu’aux barbares sous l’empereur Caracalla.

Vous estimez que nous venons de vivre la dernière paix impériale, celle des États-Unis. Pourquoi ?

Parce que ce moment s’achève. Cette Pax americana reposait sur une formidable supériorité. Rappelons qu’en 1945, les États-Unis produisaient la moitié du produit mondial brut ! Cette hégémonie a été renforcée par le sens messianique des États-Unis, convaincus que l’humanité ne peut être heureuse que si elle se convertit aux valeurs américaines. Mais il n’y aura pas de successeur aux États-Unis. Nous sommes condamnés à inventer une nouvelle forme de paix, en gestation depuis la fin du 18e siècle : la paix par le pacte.